Paris, printemps 1898. Fanny est une empathique à même de pénétrer dans l’esprit des gens pour tenter de les aider. Elle officie à l’Hôtel-Dieu, s’efforçant d’aider les malades à renouer avec la vie… Son talent a attiré sur elle l’attention de la Pieuvre dont les tentacules tiennent la société du crime du Paris de la Belle Epoque…

Kidnappé par cette organisation criminelle désireuse d’exploiter son don, Fanny va se voir contrainte de guérir Zélie, la fille de la Bouche dont l’esprit vagabonde depuis sa rencontre avec la Bête… Faute de parvenir à apaiser ses tourments, elle va apprendre à prendre possession de son corps afin d’agir et de parler comme elle afin de donner le change lors de réunions d’importance… Mais Fanny sent qu’elle n’est pas toujours maître de l’enveloppe charnelle de Zélie qui semble parfois reprendre le contrôle…

Alors que la Bête cherche à retrouver Zélie pour réparer ses erreurs passées, Fanny accède aux demandes de la Bouche pour sauver Anatole, son frère, qui, soupçonné d’être un Calcineur, croupit en prison, torturé par les forces de l’ordre. Elle va recevoir l’aide inattendue de Pluton, un Talent qui semblait jusqu’alors servir avec zèle les intérêts de la Bouche…

Depuis La Malédiction de Gustave Babel, premier opus de la série, chaque nouveau Récit des Contes de la Pieuvre se lit avec délectation tant l’univers et les personnages interlopes nés de l’imagination et des crayons virtuoses de Gess, s’avèrent envoûtants et fascinants… Après Gustave Babel, Emile Farges et Célestin, c’est donc au tour de Fanny de nous conter son étrange histoire…

Comme ls trois qui l’ont précédées, Fanny est un Talent : elle possède un don singulier dont elle fait usage pour le bien de ceux qui ont la chance de croiser sa route… Un talent qui, comme celui de Gustave, Emile et Célestin, ne va pas manquer d’attirer sur elle l’attention de l’inquiétante Pieuvre… Mais, cette fois-ci, ce ne sera pas pour servir les noirs dessins de cette organisation criminelle qui règne sur le Paris interlope d’une poigne de fer mais pour défendre les intérêts de la Bouche qui doit montrer que sa fille unique sera apte à lui succéder, le temps venu…

Une fois encore, difficile de ne pas être bluffé par le talent de Conteur de Gess qui a tissé une histoire envoutante et entraînante qu’il a monté avec maestria… Le chapitrage de l’album donne lieu à de nombreux flashbacks dont certains nous entraîneront à des siècles de l’histoire qui nous est conté pour éclairer le passé de tel ou tel personnage et accroître l’intensité dramatique des faits dans lesquels va être entraîné… Remarquablement orchestré, ce nouveau récit qui rappelle sur scène les protagonistes des récits passés pour leur faire tenir les premiers rôles ou ceux de figurants est une fois encore en tous points passionnants… L’univers fascinant de la série se densifie avec le temps, formant un tout aussi vertigineux que cohérent qui s’ancre dans le Paris de la Belle Epoque revisité à la sauce poétique matinée de fantastique… Mais un fantastique original et inventif qui ne ressemble à aucun autre et confère à ce récit, tout comme aux précédents, une saveur unique et singulière... On s’attache d’emblée à la douce Fanny, à sa bonté et son dévouement aux autres, et l’on est touché par le poids de la culpabilité qui l’écrase parfois et sa situation précaire dans laquelle elle se trouve de devoir servir la Pieuvre en sachant que cela sans doute fatal à son frère comme à elle… car il est des secrets qui ne se partagent pas…

Et, si le fond est une petite merveille d’écriture ciselée, la forme n’est pas en reste. Le livre, tout d’abord, est somptueusement édité, avec son dos toilé, sa couverture embossée rehaussé d’or et ses pages qui évoquent celle d’un livre ancien… Et il y a ce dessin, si caractéristique de la patte de Gess qui confère à l’ensemble un charme suranné et retranscrit avec élégance l’atmosphère du Paris canaille tout en mettant en scène des personnages charismatiques et hauts en couleurs… Les cadrages du dessinateur nous offrent de saisissants visuels des rues et des ruelles de Paris tandis que ses compositions fluides guident l’œil du lecteur avec une rare virtuosité… Les teintes aux dominantes sépias évoquent celle des photographies d’antan, immergeant plus avant le lecteur au cœur de cette fantastique époque…

Le talent de Gess nous entraîne à nouveau au cœur du Paris canaille de la Belle Epoque teinté de fantastique alors que la Pieuvre, organisation tentaculaire et illégale règne sur les ruelles interlopes comme sur les beaux quartiers…

Fanny possède le précieux talent de pouvoir entrer dans l’esprit des autres pour réparer ce qui a été brisé et les aider à renouer avec la vie… Pour la Bouche dont l’esprit de Zélie, sa fille, vagabonde depuis sa rencontre avec la Bête, ce don pourrait permettre de ramener à la vie celle qu’il a éduqué pour un jour prendre sa succession… Pour sauver son frère, Anatole, tombé entre les tentacules de la Pieuvre, Fanny est contrainte de prendre possession de l’enveloppe charnelle dans laquelle s’est repliée l’esprit de Zélie afin d’animer ce corps et de donner l’illusion de la normalité et ne pas inquiéter les dangereux associés de la Pieuvre… Mais combien de temps fera-t-elle illusion alors que l’esprit de Zélie semble parfois refaire surface ?

Gess signe une fois encore un album aussi somptueux que fascinant baigné d’une troublante mélancolie et d’un fantastique singulier qui voit des hommes et des femmes en apparence ordinaires détenteurs d’un talent attirant sur eux l’attention de la Pieuvre qui souhaite exploiter leur don sans vergogne… Magnifiquement orchestré, solidement charpenté, porté par le trait élégant et épuré de l’auteur qui fait revivre le Paris contrasté de la Belle Epoque et par des personnages envoûtants sortant des sentiers battus, Fannie la Renoueuse est une petite merveille qui se dévore avec délectation, tant pour son inventivité que pour sa qualité d’écriture et la beauté de ses dessins…

- Détachez-la. Elle ne va pas s’envoler !
- Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous n’avez pas le droit !
- Sachez que vous serez mieux traitée durant votre séjour ici. Si vous vous montrez coopérative, cela va de soi.
- Séjour ? Et puis quoi encore ?
- Calmez-vous. On m’a expliqué votre talent d’empathie, Renoueuse. Vous pouvez faire retrouver sa conscience à quelqu’un. C’est le cas de ma fille, Zélie, je dois la recouvrer telle qu’elle était avant, sinon…dialogue entre la Bouche et Fanny