Quatre années ont passé depuis que les mutins du Bounty ont accosté sur l’île de Pitcairn avec l’idée d’y jeter les bases d’une société idéale… Mais l’utopie a viré au cauchemar…

Réduit en esclavage par certains blancs, les polynésiens se sont révolté contre l’oppresseur, avec la complicité des polynésiennes… Mais leur révolte a tourné court et tous furent massacrés… A l’issue du conflit, seul quatre britanniques sont encore en vie, la plupart imbibés d’alcool… Prenant la place de Christian Fletcher jusque dans le lit de Maimiti, Edward Young devient le chef de leur petite communauté alors que les femmes sont désormais deux fois plus nombreuses que les hommes.

Devant l’horreur des actes qu’ils ont commis et se sachant malade, ce dernier impute tous leurs malheurs à l’absence de religion et tente d’imposer le culte chrétien aux polynésiens survivants… Pour Edward, il faut se hâter de donner une sépulture chrétienne aux morts, ce qui heurte les croyances des polynésiennes… Voyant qu’il n’y a plus de vie possible avec ces hommes, elles leur proposent de se plier à leurs exigences et d’enterrer les crânes défunts à conditions qu’ils acceptent de leur construire un radeau pour leur permettre de quitter cette île maudite…

La révolte de l’équipage du Bounty contre son cruel capitaine est connu du grand public, notamment grâce aux Les Révoltés du Bounty de Lewis Milestone, ou, plus récemment par le Bounty de Roger Donaldson… Mais qui connaît la tragique utopie libertaire qui fit suite à la révolte et qui vit une poignée de marins britanniques et de polynésiens s’établir sur un îlot du pacifique ?

S’appuyant sur une solide documentation historique et sur le roman éponyme de Sébastien Laurier, les auteurs se proposent de nous raconter l’histoire de ces hommes et femmes, le formidable espoir né de la liberté qu’il pensait trouver sur ce bout de terre et l’amère désillusion d’un rêve qui se fracasse sur le écueils de la réalité… Consciemment ou non, leur nature tristement humaine semble avoir repris le dessus, avec les britanniques qui cherchent à imposer leur domination sur les polynésiens, le désir qui ronge les âmes et les corps, la volonté de posséder et de s’imposer par la force, le retour des croyances et des religions pour racheter ses mauvaises actions passées… Sur ce petit ilot de terre perdu au milieu du Pacifique semble se rejouer en miniature et en l’espace d’une poignée d’années la triste histoire de l’humanité : la domination d’un peuple par un autre, l’établissement du patriarcat et la création de Dieu pour donner un sens à ce chaos alors que la jalousie et des rancœurs trop longtemps contenues ont peu à peu laissé place à l’incompréhension et à la haine…

Aussi fascinant que glaçant, le scénario de Mark Eacersall et Sébastien Laurier est porté par des personnages charismatiques, tragiquement humains et remarquablement bien écrits tandis que des dialogues romanesques restituent avec forces les doutes et les tourments des principaux protagonistes du drame…

L’autre point fort de cette série qui s’achève sur ce quatrième opus : la virtuosité du dessin de Gyula Németh qui signe avec Pictairn son tout premier récit édité en France… Et le fait est qu’il se dégage de ses planches une puissance aussi envoûtante que fascinante… Son trait épuré et ses couleurs claquante retranscrivent avec finesse l’atmosphère oppressante qui règne sur Pitcairn. L’inventivité de son découpage impressionne par sa capacité à mettre en image la violence des émotions qui assaillent chacun des protagonistes, telle ces planches qui dégoulinent de sang ou cette autre, insoutenable, qui voit les stigmates des coups portés Quintal meurtrir le corps et l’âme de Tevarua… La couverture est une fois encore d’une rare efficacité dans sa composition et tragique dans ce qu’elle montre, avec ces femmes et ces enfants en passe de se noyer au milieu des débris de leur frêle esquif au milieu d’une mer agitée… Le dessinateur hongrois est indéniablement un artiste à suivre de près !

Si le grand public connaît la révolte du Bounty, peu savent ce qu’il est advenu des mutins après qu’ils aient pris possession du navire…

Quatre années ont passé depuis que les révoltés du Bounty se sont établis sur l’île de Pitcairn, au cœur du Pacifique, avec l’idée d’y fonder une société juste et égalitaire… Mais le rêve a fait long feu et les jalousies et les rancœurs ont alimenté la haine… Après la révolte de polynésiens que des blancs ont voulu réduire en esclavage, il ne reste plus que quatre marins britanniques, une dizaine de polynésienne et quelques enfants nés sur l’île… Après avoir succédé à Christian Fletcher, Edward Young, horrifié par les violences commises, pensent que la religion est le remède à leurs maux…

S’appuyant sur une solide documentation Mark Eacersall et Sébastien Laurier signent un récit d’aventure passionnant, comblant avec brio les lacunes de la documentation par la fiction, faisant des choix narratifs pertinents pour servir au mieux la dramaturgie de l’histoire et s’appuyant sur des personnages bien écrits et par là-même particulièrement crédibles qui confèrent toute leur force à l’histore… Leur récit, violent et tragiquement humain est superbement mis en image par le virtuose Gyula Németh dont les planches retranscrivent avec art la violence qui meurtrit les corps et tourmente les âmes… Si GoSt 111 ou Tananarive nous avait convaincu des talents de conteur de Mark Eacersall, cette série met en lumière ceux d’un hongrois dont nous suivrons le travail avec un vif intérêt…

Amateurs de récits d’aventure historiques et tragiques, ne passez pas à côté de ce Pitcairn - l'Île des Révoltés du Bounty, tétralogie fascinante glaçante où semble se jouer en miniature l’histoire sublime et misérable de l’humanité…

- Depuis qu’on est sur cette île maudite, deux femmes sont mortes, onze hommes ont été assassinés…Il faut que ça s’arrête…
- Mais ls esprits veulent du sang et ne sont pas rassasiés.
- Les enfants ne doivent pas être maudits.
- Comment apaiser les esprits si les blancs ne nous laissent pas honorer nos morts ?dialogue page 9