Fils d’une mère haïtienne et d’un père américain, Ernesto vit en Floride. Victime du racisme ambiant, il s’interroge sur ses origines…

Pour son anniversaire, son père propose de l’emmener en voyage et le garçon rêve de découvrir Haïti où sa mère a grandi… Mais c’est à Cuba que son père l’emmène alors qu’il s’y rend en voyage d’affaire… Peu avant son départ, le vieux Luis chez qui il avait été pour trouver un peu de réconfort l’aide à découvrir son animal-totem, esprit protecteur d’un ancêtre, gardien invisible du lien avec ce qui l’entoure…

C’est à reculons qu’Ernesto quitte sa mère pour partir dans le Cuba écrasé par la dictature de Fulgencio Batista. Là-bas, il allait faire la connaissance de Paloma, une gamine débrouillarde qui l’emmènera découvrir la grotte cachée du massif de l’Escambray… Alors que la révolution gronde, Ernesto va être confronté à des révélations qui vont bouleverser sa vie…

Publié dans la somptueuse collection Métamorphoses, l’Île Crocodile nous séduit tout d’abord par la beauté de son édition et par les somptueux dessins de Grégory Charlet qui nous avait littéralement envoûté avec les Sœurs Fox, sur un scénario de Philippe Charlot. La douceur et l’émotion qui se dégage de ses dessins est tel que le l’artiste nous entraîne avec une facilité désarmante dans son univers délicieusement poétique dans le sillage d’un gamin attachant désireux de renouer avec ses racines… On tombe d’emblée sous son charme enfantin et il nous sert de guide pour découvrir sa famille qu’on sent difonctionnelle et la Havane qui ploie sous le joug de Batista alors que la révolution castriste se prépare en coulisse sans que les occidentaux n’en perçoive les intersignes… Evoquant les photos de l’époque, les couleurs du dessinateur s’avèrent des plus envoûtantes, renforçant la composante mélancolique du récit alors que le soulèvement à venir entre en résonnance avec la métamorphose que s’apprête à vivre le jeune Alberto. Son fascinant travail graphique ancre le récit dans cette imperceptible frontière semblant séparer le monde réel de celui des rêves, frontière qui semble s’estomper et pouvoir disparaître, subitement…

Le récit est chargé de symboles et de signes avant-coureur de la tempête à venir. Cet étrange collier que l’on retrouve à plusieurs reprises, ces chansons qui semblent se répondre sans que l’on comprenne encore pourquoi… Le mélange de récit intimiste, de mythes animistes et du vent de l’Histoire qui s’apprête à balayer Cuba fonctionne merveilleusement et le rythme lancinant de l’histoire composée à quatre mains par Charlotte Girard et Jean-Marie Omont s’avère des plus envoûtant. Si le personnage d’Ernesto est des plus attachant, le lecteur semble découvrir le monde et l’époque à travers ses yeux d’enfant encore insouciant mais qui s’apprête à effectuer sa mue et à grandir, entraîné par l’histoire en marche. On y côtoie la Havane des occidentaux qui semblent presque vivre en vase clos, se souciant guère des populations autochtones et de leurs tourments. Mais lorsqu’on s’en éloigne, on découvre des habitants de Cuba attendant le signal de la révolte contre l’oppresseur, alors qu’Ernesto semble appartenir à ces deux mondes, comme un fragile trait d’union entre deux culture…

Les duo d’auteurs qui a signé le scénario de Lulu et Nelson se reforme pour tisser un récit mystique et intimiste qui nous entraîne dans le Cuba de Batista à la veille de la Révolution…

Fils d’une haïtienne et d’un américain, le jeune Ernesto vit en Floride et souffre du racisme ambiant. Pour ses douze ans, son père lui propose de l’emmener en voyage. Mais si Ernesto rêve d découvrir Haïti pour connaître ses racines, c’est à Cuba où son père doit aller pour affaire que ce dernier l’emmène… Sans qu’il s’en doute, c’est sur cette île que son destin va basculer.

Superbement édité, collection Métamorphose oblige, l’Île Crocodile nous propose un récit initiatique somptueusement mis en image et en lumière par le talentueux Grégory Charlet, notamment dessinateur des Sœurs Fox de Philippe Charlot. Ses compositions nous entraînent à la lisière du songe et de la réalité. Trait d’union entre deux mondes, Ernesto va découvrir le Cuba authentique et ses habitants qui attendent la révolution qui renversera la dictature de Batista et chassera les profiteurs occidentaux qui pillent les ressources de l’île. Sensible et délicate, l’histoire de Charlotte Girard et Jean-Marie Omont s’avère des plus délicate, faisant la part belle au ressenti du jeune garçon guidé par ses songes et une petite fille qui connaît mieux que personne les secrets de l’Escambray… Un premier tome aussi envoûtant que convaincant dont il nous tarde de découvrir la suite…

Reste curieux, et ne crains pas d’embarquer vers un inconnu dont tu pourrais apprécier la saveur si tu y goûtes. le vieux Luis