En 1986, Roman Polanski n’eut sans doute pas la reconnaissance qu’il méritait avec ce film tonitruant et loufoque remettant à l’honneur nos Frères de la Côte.
Pourtant, tout est là. Il y souffle même cet embrun au parfum de liberté et d’égalité. Le réalisateur a, il me semble, travaillé son sujet avant de l’ « aborder »...

Cela dit, « Pirates » ne nous mène que subtilement vers cette vision de la piraterie que les siècles et les régimes politiques semblent avoir effacé de leurs livres d’Histoire, allez savoir pourquoi… Car en effet, le pavillon qui se hisse est celui de l’action et de l’humour entrecroisé comme des sabres sous le visage du loup de mer « Thomas Bartholomew Red », que Walther Matthau incarne tout simplement à la perfection.
Il me semble reconnaître un certain « Barbenoire » sous les traits et l’accoutrement de Matthau, avec une guibole de bois en plus…
Il faut bien le dire, malgré une galerie de personnages étonnants et caricaturaux, c’est bien Matthau qui fait le film, qui l’habite et lui donne corps et vie.
Signalons tout de même la prestation de Cris Campion/Jean-Baptiste « La Grenouille » de Saint-Malo en corsaire de cœur qui est la conscience et le témoin des aventures du « Capitaine Red », et qui paraîtrait presque aussi innocent qu’un phoque sur la banquise s’il ne savait jouer du couteau…

L’humour et l’action sont omniprésents, car nous sommes pris sous le feu des canons d’une comédie d’action redoutable d’efficacité et qui n’a que peu vieilli (ou alors en bien). On se situe en droite ligne du « Bal des Vampires ». Les bateaux sont superbes, les costumes splendides et peut-être même réalistes (les officiers espagnols). Si vous n’êtes pas hermétique au genre, vous vous retrouverez souvent à sourire devant les discours grandiloquents et l’à-propos du « Capitaine », dont certaines des répliques sont cultissimes et que je vous invite à découvrir ou redécouvrir. Enrobez cela de quelques péripéties délirantes et vous avez là un beau navire qui vogue sus à l’ennui…

Le tout est évidemment bien emmené par un Polanski au sommet de son humour et accompagné par une musique de Philippe Sarde qui suit la cadence.
Cette année là, Polanski remit à l’honneur les films de forbans de l’Hollywood d’antan ; et aucun film n’a depuis égalé le panache et la verve de ses « Pirates »…