Avec Les Trentes Deniers, Jean-Pierre Pécau et Igor Kordey posent les bases d’un thriller captivant mêlant habilement histoire, action et ésotérisme…

Si l’intrigue prend racine dans les premières heures de la chrétienté, l’histoire s’ouvre quelques décennies avant nos jours, dans la Jérusalem éternelle pour un prologue aussi mouvementé qu’énigmatique plein de magie et d’action pour se poursuivre de nos jours…
Yann, ancien membre des forces spéciales, est prêt à tout pour sauver sa fille d’une tumeur maligne qui la condamne à très court terme. La médecine conventionnelle étant impuissante, il se tourne vers des médecines parallèles sur les conseils de l’énigmatique Moine, son ancien supérieur. Les séances avec Sinoe, sorte de magnétiseuse, semblent contre toute attente porter leurs fruits lorsque cette dernières est assassinée dans des circonstances mystérieuses… L’assassin lui a dérobé une pièce ancienne dont tout porte à croire qu’elle était la source des pouvoirs sibyllins de Sinoe… Pour Yann, c’est une question de vie ou de mort : il devra retrouver cet inquiétant assassin pour reprendre possession de ce denier qui pourrait bien être l’un des trente versés à Judas comme paiement de sa trahison…
Commence alors une enquête semée d’embûche durant laquelle Yann frayera avec d’antiques sociétés secrètes prête à tout pour accaparer le pouvoir des deniers de Judas…

Après l’Histoire Secrète, Jean-Pierre Pécau retrouve donc son très prolifique complice Igor Kordey pour une de ces séries pleine d’action et d’occultisme dont il a le secret. Historien de formation, ce scénariste qui a fait ses premières armes dans le jeu de rôle, possède un incontestable talent pour exploiter les sources historiques et les nimber de magie et d’ésotérisme. Ce nouveau cocktail mêlant histoire biblique, services secrets et politique s’avère particulièrement percutant, exploitant les zones d’ombres de la cinquième république (l’attrait de François Mitterand pour les diseuses de bonne aventure, sa maladie, l’étrange et polémique suicide de son conseiller François de Grossouvre…), n’hésitant pas à les tordre pour servir au mieux son récit.
Le personnage de Yann permet au scénariste de donner une dimension humaine à l’histoire. Contrairement aux autres protagonistes, l’ancien membre des services spéciaux ne s’intéresse au pouvoir des deniers que pour sauver sa petite fille d’une mort certaine et est, au début du récit, tout aussi ignorant des deniers que peut l’être le lecteur. L’érudit personnage de Yann permet aux auteurs de dévoiler peu à peu les enjeux de l’histoire et de poser les bases du mystère de façon fluide et immersive.

Le trait photo réaliste du dessinateur croate Igor Kordey est, une fois de plus, redoutablement efficace. Si ses personnages sont parfois un peu figés, ses décors s’avèrent très convaincants, immergeant le lecteur dans les différents lieux et époque du récit. Seul ombre au tableau, la couverture de l’album quelque peu ratée qui laisse augurer un contenu bâclé alors qu’il n’en n’est rien!

Construit comme une (bonne) série B, ce premier tome se lit avec délectation. Le savant dosage d’action, d’ésotérisme, de politique et d’enquête happe le lecteur dès les premières pages pour ne plus le lâcher avant la fin de l’album.