Au fil des ans, Christian De Metter s’est imposé comme un auteur majeur à travers des albums forts, sombres et tourmentés, portés par un graphisme époustouflant. Il s’attaque avec
Rouge comme la Neige à un genre nouveau pour lui : le western.
Colorado, 1896. Le procès de Buck MacFly, un homme soupçonné d’enlèvements d’enfants vient de commencer. Il n’ira pas à son terme… La veuve MacKinley, venue avec son jeune fils assister au procès de « l’Ogre » le fait nuitamment évader de la prison, persuadé que ce dernier pourrait le conduire à Abby, sa fille disparue corps et âme six années auparavant… Cassidy, shérif alcoolique organise la traque…
Il se dégage une fois encore du récit concocté par Christian De Metter une force peu commune. Ses personnages, denses et complexes, semblent tous avancer masqués, et se révèlent au fil des pages, dans toute leurs complexités et leurs contradictions. Pour mettre en image ce récit, qui tient au final autant du polar que du western, l’auteur explore une nouvelle technique qui tranche avec ses précédentes œuvres mais évoque de façon prégnante les teintes sépia des westerns en noir et blanc des années 50. Ses planches, faisant la part belle aux grands espaces, sont de toutes beauté et laisse voir la puissance de son crayonné, nerveux et d’une redoutable efficacité.
Le scénario, s’il peut un temps évoquer
True Grit de Charles Portis (adapté au cinéma par Henry Hathaway et revisité par les Frères Cohen) n’est pas sans rappeler l’ambiance crépusculaire de l’époustouflant
Impitoyable de Clint Eastwood. La structure narrative du récit, où prologue et épilogue se répondent de façon saisissante, est parfaitement maîtrisée. Les dialogues sont finement travaillés et permettent à Christian de Metter de nous mener par le bout du crayon exactement là où il le désire, avec une redoutable (et remarquable!) efficacité.
Les personnages qui se révèlent au fil des pages confèrent au récit tout son sel. Nul n’est ce qu’il semble être et les masques vont peu à peu tomber, révélant la vraie nature de chacun pour un final poignant, sombre et sans concession.
On ne peut que saluer la qualité de fabrication de ce livre, un album grand format à la couverture somptueuse et au papier épais de qualité qu’apprécieront les amateurs de beaux livres. Et il y a ce titre, poétique et évocateur qui confère d’emblée sa tonalité au récit…
Christian De Metter joue avec les codes du western avec maestria pour livrer une œuvre envoûtante et personnelle qui est l’un des meilleurs westerns du neuvième art de ces dernières années et l’un de ses meilleurs albums de l’auteur... Ce qui n’est pas peu dire!