C’est avec un plaisir jubilatoire que l’on retrouve le second tome de
Texas Cowboys dans sa version album, après l’avoir dévoré en prépublication dans les pages du journal de Spirou. Western solidement scénarisé par le prolifique Lewis Trondheim et mis en image par le talentueux Matthieu Bonhomme, la série avait fait souffler un vent de renouveau sur le genre western…
Harvey Drinkwater s’est taillé une solide réputation avec sa plume depuis les événements relaté dans le premier tome se déroulant six années auparavant… Lorsqu’iIvy Forest lui demande de le rejoindre à Forth Worth, il est loin de se douter du comité qui va l’accueillir à sa sortie du train… Remettre les pieds au Texas, c’est les reposer dans un nid de vipère où tout peut arriver… Heureusement, Drinkwater n’est plus le blanc-bec qu’il fut lorsqu’il avait décidé d’abandonner sa carrière de journaliste à Boston…
L’intrigue aux petits oignons concoctée par Lewis Trondheim se dévorerait avec délectation si les dessins épurés et élégants de Matthieu Bonhomme n’étaient pas aussi plaisant à contempler. L’ensemble est en parfaite osmose et la structure narrative du récit force l’admiration. Dans les premiers chapitres, on pense avoir affaire à une histoire chorale classique mais efficace et on attends de voir les différents protagonistes se rejoindre pour aboutir au nœud du récit. Mais le génie (n’ayons pas peur des mots) de Trondheim est d’avoir su jouer sur la temporalité du récit pour surprendre le lecteur. Des évènements qui ne semble pas déterminants au prime abord le deviendront une fois la caméra subtilement déplacée pour offrir un autre angle à une scène, l’intégrant alors parfaitement au récit… Un véritable travail d’orfèvre…
Les dialogues, finement ciselés, sont un réel délice et c’est avec un plaisir jubilatoire que les amateurs apprécieront le détournement des scènes archétypales du western, du duel à la gare en passant par l’attaque de diligence…
Les auteurs ont créé une nouvelle galerie de personnages haute en couleur. De cet ancien officier de l’armée sudiste manchot qui écume les bars en racontant à qui veut bien l’entendre (et lui offrir à boire!) comment il a perdu son bras en passant par Butch la Framboise qui n’en finit plus de chercher la bagarre en passant par Sophia Carpente dont le père voit d’un mauvais œil tout cowboy qui lui tournerait autour en passant par Wyatt Earp en gest star qui intervient en tant que Guest Star de l’album…
Le travail graphique de Matthieu Bonhomme fait montre de sa grande maîtrise, tant narrative que picturale. Son découpage a beau user de la technique du gaufrier, son sens du cadrage apporte une grande efficacité et une réelle fluidité au récit. Ses couleurs, volontairement sommaires pour évoquer les pulp magazines, sont sobres mais magnifiques, baignant chaque scène d’une ambiance particulièrement savoureuse… Et ses têtes de chapitre, évoquant les couvertures des pulp, sont tout juste superbes…
Deux ans après un premier tome qui devait être un one-shot, nous retrouvons Harvey Drinkwater dans de nouvelles aventures aussi élégamment mise en image que subtilement racontée… Espérons que les auteurs, qui laissent la porte ouverte à un nouveau récit, le feront remonter en selle, pour notre plus grand plaisir! Un album qui ravira tous les amateurs de western où le lecteur partagera le plaisir que les deux auteurs ont semble-t-il eu à écrire…