A quelques semaines du centenaire du début de la première guerre mondiale, on ne compte plus les albums s’emparant du contexte historique pour tisser des histoires, souvent passionnantes au regard des
Godillots, du
Chant du Cygne ou de la
Patrouille des Invisibles…
Les Poilus d’Alasaka lèvent le voile sur une histoire méconnue de la première guerre mondiale, une incroyable aventure humaine… et animale!
Novembre 1914. L’action s’amorce en Alaska, dans le lointain village de None que deux français s’apprêtent à quitter pour embarquer pour prendre l’uniforme et servir leur patrie. Ils laissent derrière eux Scotty Howard, un as du traîneau, rugueux et taiseux…
Louis Joseph Moufflot, capitaine de bataillon des chasseurs alpins, est donné pour mort, tombé dans une embuscade allemande dans les Vosges enneigées… Mais, mû par un formidable instinct de survie, il parvient à s’échapper de l’hôpital allemand et à regagner l’armée française paralysée par un hiver particulièrement rigoureux. Fort de son statut de héros, il va tenter de mettre en œuvre une idée folle : mobiliser des centaines de chiens de traîneau venus d’Alaska pour assurer le ravitaillement sur le front… Scotty Howard semble être le seul homme à même de rendre possible ce projet… Mais Moufflet nourrit à sen encontre de vieilles rancœurs du temps où il a été entrepreneur en Alaska…
Le premier tome de ce diptyque s’avère des plus prometteurs. Il plonge avec facilité le lecteur dans ce contexte historique troublé que fut les premières semaines de guerre. L’image d’épinal des soldats partant la fleur au fusil continue de se lézarder. L’armée française apparaît comme mal préparée à un conflit qu’elle estimait de courte durée. Mais, alors que les soldats s’enlisaient dans l’hiver vosgien, les premiers disfonctionnement ne tardent pas à apparaître. La réaction des officiers au retour de Moufflot, supposé mort, est tout à elle seule édifiante et de voir comment sont prises les décisions des cadres de l’armée, entre lobbying et pots de vins, s’avère pour le moins inquiétante…
Car si la guerre se joue dans le sang et la boue des tranchées, les décisions sont prises loin du front, décidant du destin de milliers d’hommes… Comment l’état-major français borné, accroché à ses traditions et gangréné par ses querelles d’égo, va-t-il accepter cette proposition farfelue et iconoclaste de Louis Joseph Moufflot?
Le personnage du capitaine, s’il est animé d’intention patriotique et est considéré par ses contemporains comme un héros revenu d’entre les morts, n’en reste pas moins machiste et pour et quelque peu antipathique…
Le dessin âpre et épuré de Félix Brune (connu aussi sous le pseudo de Marion Mousse) porte joliment ce récit en faisant la part belle aux émotions. Son trait semi-réaliste, rehaussé par la colorisation sobre et élégante d’Albertine Ralenti, est d’une appréciable fluidité alors que ses cadrages s’avèrent des plus percutants…
Si les évènements relatés dans cet album évoquent des faits et des personnages ayant réellement existé, ce n’est nullement le fruit du hasard! Les Poilus d’Alasaka s’inspirent en effet de l’incroyable mais véridique épopée des poilus d’Alaska… Délicieuse surprise de ce début d’année, Moufflot, Hiver 1914 est un premier tome solide et documenté aussi passionnant qu’édifiant qui ravira les amateurs d’histoire et d’aventure humaine authentique… A lire sans tarder… A noter qu’Arte rediffusera le reportage qui leur a été consacré le samedi 8 novembre 2014 à 10H30 et qui a été réalisé par Michael Delbosco et Daniel Duhand, scénariste de ce diptyque…