C’est avec un plaisir jubilatoire que nous retrouvons le formidable trio d’auteur qui signa le percutant
Balles perdues, polar nerveux remarquablement mené et superbement mis en image… Dans un registre à la fois similaire et pourtant totalement différent, Walter Hill, Matz et Jef reprennent du service pour un polar noir surprenant, sensuel et captivant…
Franck Kitchen n’est pas belle personne. C’est un tueur. Froid et implacable. Des hommes, il en a descendu des dizaines, sans états d’âmes, remplissant son contrat et empochant son argent… Mais le pro qu’il est aurait dû se douter qu’un contrat payé le double du salaire habituel cachait un piège mortel…
Le tueur était devenu proie, avec un contrat sur sa tête… Mais là ou un commanditaire ordinaire aurait simplement demandé son élimination, après, pourquoi pas, quelques heures de souffrances, celui qui en veut à Frank a décidé de se venger de façon surprenante… et pour le moins déstabilisante… Tant pour Frank que pour le lecteur!
Après un court prologue intrigant, le lecteur est plongé dans le vif du sujet, une histoire de tueur, de malfrats et de vengeance comme il en existe des dizaines… C’est du moins ce qu’on serait tenté de croire à la lecture des premières pages… Mais on se trompe… Lourdement… Car, subitement et sans crier gare, l’intrigue prend un tournant aussi inattendu que jubilatoire, original et mordant et, de ce fait, particulièrement enthousiasmant…
Difficile d’ailleurs d’en parler plus avant sans spoiler et gâcher le plaisir de la lecture de ce récit à la fois sombre et ironique remarquablement bien construit et sur lequel Walter Hill planche pour une version ciné, développée parallèlement à la BD… Sans en dire plus, donc (n’insitez pas, on ne lâchera rien!), sachez que le scénario est tout à la fois drôle et décalé, original et nerveux, une sorte de parcours initiatique déjanté qui va emmener le personnage principal à évoluer… radicalement…
Une fois encore, Jef fait montre d’un talent saisissant, tant aux crayons qu’aux pinceaux… Son trait, nerveux et dynamique, est d’une élégance rare. Il se dégage de ses planches une énergie saisissante et le soin apporté aux éclairages ancre le récit dans une ambiance harboiled évoquant les meilleurs polars.
Ce dessinateur autodidacte n’a pas son pareil pour puiser dans les codes du genre pour poser atmosphères inquiétantes et mettre en scène des personnages qui le sont tout autant…
S’amorçant sous des aspects faussement classiques, ce polar s’avère bien plus original qu’il n’y parait au premier abord.
Solidement charpenté, le récit imaginé par Walter Hill et transposé en BD par Matz est superbement mis en image par le talentueux Jef. Porté par des dialogues percutants, leur polar dynamite les codes du genre pour tisser une intrigue nerveuse et totalement déjantée qui entraîne le lecteur hors des sentiers battus… Après le remarquable et remarqué Balles Perdues, Walter Hill, Matz et Jef signent avec Corps et âme un polar aussi nerveux qu’original…