Les Editions du Long Bec continue d’éditer sous forme d’intégrale les séries scénarisées par Roger Seiter. Après les somptueux Wild River (dessiné par Vincent Wagner) et H.M.S (dessiné par Johannes Roussel), c’est au tour de sa trilogie inspirée de l’œuvre Edgard Allan Poe de faire l’objet d’une réédition, augmentée d’une passionnante biographie de l’écrivain et complété par un épilogue savoureux…
Charleston, Caroline du Sud, octobre 1845. Sur l’île d Sullivan où il s’est réfugié après un revers de fortune, Edgar Legrand fait une étrange découverte aux abords d’une épave échouée: un scarabée en or massif qui évoque un crâne… Commence alors une étrange chasse au trésor qui débouchera sur l’exhumation du trésor d’un pirate du siècle passé… Grâce à cette immense richesse, lui et son ami William Wilson vont pouvoir embarquer pour commencer une vie aventureuse qui les conduira à New York et à Baltimore…
Une fois encore, les Editions du Long Bec ont fait du bel ouvrage avec cette couverture intrigante et envoûtante où apparaît un inquiétant Baron Samedi. L’illustration, rehaussée d’un vernis sélectif est du plus bel effet et attire d’emblée le regard… Le grand format permet de mieux apprécier le travail si particulier de Jean-Louis Thouard. Sa colorisation peut de prime abord surprendre mais le fait est qu’elle distille une atmosphère étrange, évoquant l’ambiance des contes fantastiques et autres nouvelles d’Edgar Allan Poe. Cependant, force est de reconnaître que les croquis et les illustrations aux encrages dynamiques accompagnant la biographie du poète et écrivain américain font naître l’envie de découvrir ce récit en trois acte dans une version noir et blanc…
Avec audace et inventivité, Roger Seiter s’est emparé de quelques-unes des nouvelles du maître du fantastique et de l’étrange, mélangeant subtilement divers ingrédients et éléments glanés ça-et-là, n’hésitant pas à créer de nouveaux personnages pour tisser trois récits denses et envoûtants.
Le premier chapitre est somme toute assez fidèle au
Scarabée d’Or, publiée originellement en 1843 dans le Philadelphie Dollar Newspaper. Le nom d’un des trois personnages principaux est emprunté une nouvelle éponyme de Poe, remplaçant le William Legrand du Scarabée d’Or alors que de par son prénom et son apparence, Edgard Legrand paraît être le double de l’écrivain, reprenant le thème de la dualité présent dans la nouvelle
William Wilson… Le scénariste complète le duo de héros par une touche féminine en la personne de Kitty, troublante et sensuelle… La fin de ce premier chapitre introduit un Némésis en la personne de l’inspecteur Branann qui n’aura de cesse que de traquer les trois héros du récit…
Le second, Usher, est un savant mélange de plusieurs contes et nouvelles, invitant en guest star le mystérieux assassins du
Double assassinat de la rue Morgue mais empruntant aussi à la dérangeante
Chute de la Maison Usher bien sûr, mais à la savoureuse
Petite discussion avec une momie ou le glaçant
puits et le pendule…
Dans la
Mort Rouge, dernier chapitre de l’album, Roger Seiter a tissé un récit inquiétant en puisant ses ingrédients dans la nouvelle quasi éponyme, dans le
Chat Noir ou la
Vérité sur le cas de M. Valdemar…
Roger Seiter ne s’est pas contenté d’adapter l’œuvre d’Edgar Allan Poe pour créer ces trois récits d’aventures fantastiques. Avec audace et talent, il s’est emparé de son univers et de ses personnages pour tisser une histoire originale, sombre et inquiétante joliment mise en image par le trop rare Jean-Louis Thouard.
Superbement édité, cet Edgard Allan Poe revisite avec efficacité l’œuvre d’un des précurseurs du roman policier et de la littérature fantastique. Gageons que cette superbe réédition sera l’occasion pour beaucoup de découvrir cette histoire fantastique à plus d’un titre…
(*) « Tout ce que nous voyons ou croyons n'est qu'rêve dans un rêve », Edgar Allan Poe