Didier Quella-Guyot, scénariste du Café des Colonies, de Papeete, 1914 ou du Facteur pour femmes nous replonge à nouveau dans cette époque qu’il semble affectionner tout particulièrement avec un récit se déroulant durant la Grande Guerre mais dont les racines plongent bien avant…

Hiver 1917. Dans la boue des tranchées Camille Le Moal sculpte une femme sur une douille quand un obus vient s’écraser à proximité, l’ensevelissant sous des décombres… Miraculeusement sauvé par un chien errant qui attire sur lui l’attention des brancardiers, il est envoyé à l’hôpital. Le blessé s’évère un taiseux qui préfère s’adresser à son chien plutôt qu’aux soignants…

Après s’être fait remarqué pour ses talents de sculpteur, la relation qu’il entretien avec son chien va attirer l’attention d’un officier en convalescence qui va lui proposer de devenir dresseur au Service des Chiens de Guerre…

Lorsque sonne l’Armistice, Camille est démobilisé et rentre chez lui, à Nantes, accompagné de ses chiens soldats éclopés… Là, il va retrouver son atelier et ses douloureux souvenirs…


Avec l’histoire de ce soldat, Didier Quella-Guyot exhume des soldats méconnu qui risquèrent leur vie pour assister leurs maîtres humains… Dans son ouvrage Les chiens de France: soldats de la grande guerre, Paul Megnin nous apprenait qu’il furent près de dix-mille à passer dans les chenils militaire pour devenir sentinelles, patrouilleurs, messagers ou ravitailleurs…

Mais la force du récit ne réside pas dans ce pan d’histoire que le scénariste éclaire, mais dans la personnalité complexe de ce sculpteur tourmenté devenu soldat qui masque difficilement une blessure ancienne qui le hante, le tourmente et le poursuit jusqu’au cœur des tranchées… Pourquoi préfère-t-il la compagnie des chiens à celle des hommes? Par petites touches, au détour de mots échangés ou de souvenirs, on devine les contours d’un drame ancien dont on peine à savoir s’il coupable ou victime…

Le scénariste et dessinateur du saisissant Emmett Till met joliment en image ce récit historique. Son trait semi-réaliste est rehaussé par un encrage épais et élégant alors que son découpage efficace souligne avec finesse les états d’âme de Camille…

Sous de faux airs de récit historique, Didier Quella-Guyot et Arnaud Floc'h signent un roman graphique intrigant qui suscite l’intérêt du lecteur en esquissant les contours d’un drame qui lui est révélé par petites touches, à la façon des toiles impressionnistes…

On sent qu’un nouveau drame va se jouer, comme un écho d’un autre plus ancien… Le retour à la vie civile de Camille pourrait être bien plus une souffrance qu’une délivrance…

Suite et fin dans le second volet qui lèvera le voile sur les évènement qui hantent Camille Le Moal…