Alors que beaucoup avaient tôt fait de l’enterrer en grandes pompes, le western semble connaître une seconde jeunesse avec des titres aussi excellent que
Stern,
Undertaker,
la Venin ou
Texas Jack… aux côtés desquels il faudra désormais ranger
Jusqu’au dernier, one-shot signé de main de maître par Jérôme Félix et Paul Gastine…
Avec l’arrivée du chemin de fer, l’époque des cow-boys semble désormais révolue… Russel fut l’un de ces aventuriers qui a sa vie durant convoyé des troupeaux… Il achève son dernier voyage et souhaite raccrocher les éperons et de profiter de son petit pécule amassé en une vie de labeur afin de devenir fermier dans le Montana…
Mais, lors d’une halte à Sundance, le jeune simplet qu’il a adopté est retrouvé mort… Le maire, soucieux de préserver ses chances que sa paisible bourgade soit choisie pour y construire une gare, préfère penser à un accident qu’à un acte criminel… Mais le vieux cowboy est prêt à tout pour faire éclater la vérité et que justice soit faite… dût-il pour cela le conduire aux portes de l’enfer…
Le formidable tandem qui a signé
L’Héritage du Diable se reforme pour signer un western particulièrement alléchant… Il suffit de poser les yeux sur la somptueuse couverture avec cette illustration magnifique baignée d’une lumière saisissante pour avoir la furieuse envie de se plonger dans l’album…
Paul Gastine nous avait déjà fait forte impression dès son premier album et son talent n’a fait que s’affirmer au fil des albums… Avec
Jusqu’au dernier, un nouveau palier a encore été franchi… C’est d’abord ses compétences de metteur en scène qui force l’admiration… La composition de ses planches est d’une rare justesse tant l’artiste parvient à poser sa caméra à l’emplacement le plus pertinent pour accentuer la dramaturgie de chaque scène. Variés et foisonnants, ses décors sont tout juste superbes, offrant des visuels saisissants d’une nature sublime et sauvage ou reconstituant avec impressionnante minutie les intérieurs… Et il y a ces personnages qui, sous ses crayons numériques acérés, s’incarnent et sont traversés par des émotions violentes qui vont être le moteur de l’action. Et que dire de cette mise en couleur tout juste virtuose, avec ce saisissant travail sur la lumière qui fait de chacune des planches de l’album un petit bijou finement ciselé ?
Graphiquement, l’album est indéniablement l’un des plus somptueux de l’année… Mais le scénario est-t-il à la hauteur ? Clairement : oui ! Jérôme Félix entraîne le lecteur dans une Amérique en pleine mutation, écartelée entre l’ouest sauvage et la modernité apportée par l’industrialisation… Russel a conscience d’appartenir à une époque aujourd’hui révolue et s’apprête à déposer les armes… On songe au Jack Beauregard de
Mon nom est Personne, héros de l’ouest n’aspirant qu’à la paix, ou au William Munny du crépusculaire
Impitoyable de Clint Eastwood qui, par vengeance, allait se laisser aller à de bien sombres penchants… Mais en scénariste chevronné, l’auteur signe un récit solidement charpenté qui s’avère particulièrement poignant grâce à un twist aussi inattendu que dramatique et une galerie de personnages cyniques ou attachants dont chacun s’avère, au final, tragiquement humain...
Si on se laisse tout d’abord subjuguer par la couverture puis par la qualité du dessin tout juste somptueux de l’impressionnant Paul Gastine, le scénario de Jérôme Félix s’avère être de haute tenue…
Dans une Amérique écartelée entre l’ouest sauvage et la modernité, il nous raconte le destin tragique d’un homme rude s’apprêtant à tourner la page d’une vie passée à convoyer les troupeaux à travers le pays pour se faire fermier et s’occuper de son fils adoptif, un garçonnet de vingt ans un brin simplet mais incroyablement attachant… Mais la violence des hommes allait bouleverser ses plans et, à l’amertume des larmes, suivra celle du sang…
Il y a une dimension tragiquement shakespearienne dans ce western implacable où l’émotion et les passions sont le moteur de l’action… Jusqu’au dernier nous prouve, si besoin était, que le ouest n’a pas cessé d’inspirer des auteurs de talents…
Le bruit court que Jérôme Félix et Paul Gastine travailleraient sur un autre western que nous attendons d’ores et déjà avec une impatience fébrile !
- Et s’il disait vrai ?
- Alors ça voudrait dire qu’il y a un assassin parmi nous… Et ça, c’est exactement ce qui pourraient nous faire perdre le train. Le gouvernement veut une ville irréprochable, comme gare d’embarquement et moi, je refuse de sacrifier l’avenir de tous nos gosses à cause d’un seul que personne ne pleurera…dialogue entre un citoyen et le maire de Sundance