1215, non loin de Venise. Un vieil homme à l’accoutrement excentrique marche sur les chemins cahoteux en compagnie d’un jeune garçon affamé rencontré peu avant… Mangeant comme un oiseau et arguant que les routes sont peu sûres, il s’est proposé d’être son compagnon de voyage… Le vieil homme accepte et tous deux font route vers le port de Rimini…
Au cours d’une étape, il lui révèle qu’il a servi le Grand Khan et conseillé le Pape et qu’il n’est autre que Marco Polo… Au fil de leur route, alors que le vieil homme lui conte ses voyages extraordinaires dans la Chine lointaine et tous deux se lient d’amitié…
Mais, comme tout voyage, celui-ci est riche en rencontres et en surprises…
Nous l’avons déjà dit mais nous sommes bien obligés de nous répéter une fois de plus : superbement édité, chaque nouveau titre de la collection Métamorphoses est une invitation au rêve et au merveilleux et cet album ne fait pas exception à la règle… Sa couverture est tout juste magnifique, l’illustration étant rehaussée par une maquette somptueuse et un usage subtil et parcimonieux d’un vernis sélectif sur un titre légèrement embossé…
Comme le souligne l’incipit de l’ouvrage, le récit d’Étienne Le Roux s’inspire librement de la vie de Marco Polo et, plus précisément de son
Devisement du Monde, connu en France comme
le Livre des Merveilles et qui a influencé de nombreux explorateurs, à commencer par Christophe Colomb…
Cet album est une petite merveille de construction et cette délicieuse rencontre entre ce célèbre voyageur et le jeune garçon permet au scénariste de faire de Marco Polo le narrateur de ses propres aventures, le garçonnet l’interrompant à de multiples reprises pour demander des précisions, le relancer ou lui demander d’infléchir son histoire…
Le rythme lancinant impulsé par cette narration enchâssée dans une autre place le lecteur dans la position de l’auditeur d’un talentueux conteur, suspendu à ses lèvres et attendant la suite du récit avec une impatience fébrile… Le récit est d’autant plus passionnant que l’espiègle scénariste nous réserve bien des surprises avec un twist aussi savoureux qu’impromptu qui rend l’histoire plus poignante encore…
Inutile par ailleurs de se fier aux dates ! Le livre est un conte merveilleux et fantastique qui, s’il s’inspire des récits de voyage de Marco Polo, le fait avec la liberté du voyageur et l’inventivité d’un conteur malicieux…
Vincent Froissard signe une nouvelle fois un album somptueux… Difficile de reconnaître dans son trait celui du dessinateur de
Serpenters ou du
Felicidad, tant l’artiste parvient à adapter son style au récit qu’il se propose de mettre en image… Chacune de ses planches est un régal pour les yeux et l’on se perd à se perdre dans le détails de chaque case… Nimbés d’une brume irréelle, son dessin est une véritable invitation au voyage et au merveilleux… Brouillant les repères, ses crayons et ses somptueuses couleurs perdent le lecteur à la frontière souvent ténue qui sépare le rêve de la réalité, conférant à l’histoire cette dimension de conte qui est l’un de ses indéniables charmes…
S’inspirant des peintures traditionnelles chinoises, son dessin retranscrit avec finesse l’exotisme des récits de Marco Polo, donnant au fil des jours au jeune garçon qui marche dans ses pas (comme au lecteur !) le goût des voyages lointain…
Avec cet album librement inspiré du Livre des Merveilles de Marco Polo, Étienne Le Roux et Vincent Froissard nous invitent à revivre son voyage exotique à travers le récit que, devenu vieux, il fait à un gamin rencontré en chemin…
Ce délicieux changement de paradigme rend l’histoire du marchand vénitien plus envoûtante encore alors qu’un savoureux évènement survenant en fin d’album la replace dans une toute autre perspective…
Porté par les somptueux dessins de Vincent Froissard, cet album est une petite merveille de construction narrative, une véritable invitation à voyager et à voir le monde…
- Sais-tu jeune homme que tu as l’honneur de servir une célébrité ? J’ai été l’ami du Grand Khan et conseiller de Sa Sainteté le Pape, mon nom est Marco Polo !
- « Marco Polo » ? Non, cela ne me dit rien… Et que fait quelqu’un d’important comme vous, seul sur ces chemins perdus ?
- Tu n’as pas besoin de le savoir… Saches seulement que nous allons jusqu’au port de Rimini où un navire m’attends…dialogue entre Marco Polo et le jeune homme
(*) en référence à la chanson éponyme d’Arthur H et de Jacques Higelin