New-York, 1900. Après avoir le retentissant assassinat du gouverneur McGrady, le suicide du révérend Allister Coyle et le massacre de James Drake, magnat de l'or noir, Emilie est venu à New-York pour poursuivre sa vengeance.
La jeune femme se fait engager comme danseuse de cabaret au Casino Théâtre et son envoûtante beauté lui vaut d’être nommée meneuse de revue et d’être remarquée par Charles Dana, talentueux dessinateur et Stanley Whitman, architecte renommé de la ville… Elle aurait aimé le détester puisqu’il était sa prochaine cible. Mais l’homme est d’une gentillesse et d’une prévenance confondante qui trouble la jeune femme et ébranlent sa détermination…
L’amour s’invitera-t-il dans sa danse macabre ? Mais les Pinkerton la suivent toujours à la trace et semblent plus décidés que jamais à mettre un terme à son odyssée vengeresse… Et le plus grand danger reste celui qu’on n’attend pas…
Le western a décidemment le vent en poupe et lorsqu’ils ont la qualité de la Venin, on ne peut que s’en réjouir ! Au vu des qualités et de l’originalité du premier tome, on pouvait légitimement se demander pourquoi Laurent Astier, auteur qui s’est essayé à de nombreux genre, avait tardé si longtemps avant que de se frotter à ce genre qu’il affectionnait depuis toujours.
Composée comme une affiche de film, la couverture est une fois encore une petite merveille. On y voit Emilie, comme de coutume l’arme à la main, en équilibre sur une poutrelle de chantier, pointant un ennemi invisible… On pourrait la trouver froide et déterminée comme à l’accoutumée si son pied vacillant ne semblait se dérober, annonçant une chute vertigineuse… Le dessin est indéniablement l’un des points fort de la série, d’autant que les planches sont mises en couleur par le talentueux Stefan Astier, frère du dessinateur. S’adaptant à chaque scène pour en renforcer la dramaturgie, le découpage de l’album est une formidable machine de précision qui joue de la temporalité avec finesse. L’auteur joue avec art des cadrages, souvent vertigineux, conférant à l’ensemble une dimension très cinématographique. Son trait sensuel donne vie à une jolie galerie de personnages dont certains font leur grand retour dans ce présent album…
Comme dans les trois opus précédents, l’auteur parvient à imprimer un rythme de lecture soutenu en mêlant deux récits séparés d’une décennie qui se complètent et s’enrichissent pour affiner le portrait complexe et alambiquée d’une jeune femme jusque-là habitée par la haine et vengeance. Dans
Ciel d’Ether, le lecteur va notamment suivre son apprentissage du métier des armes en Arizona au début des années 90, sous la houlette de son oncle, chasseur de prime implacable. Mais l’auteur prend aussi le lecteur à contre-pied en cassant le schéma narratif des premiers albums pour nous montrer une héroïne qui va, pour la première fois, voire ses certitudes quelques peu ébranlées. Avec ce changement de paradigme l’album est plus captivant encore, rendant l’attente du cinquième tome d’autant aussi insoutenable que frustrante… Même si la frustration s’accompagne d’un petit pincement au cœur car l’épisode qui devrait conduire Emilie à Washington marquera la fin de ce western moderne et féministe délicieusement atypique qui s’ancre dans l’histoire d’un pays en pleine mutation de façon saisissante, avec une histoire jouant les équilibristes sur la ligne de crête séparant le western des temps modernes…
On appréciera une fois encore les quelques pages du journal intime d’Emilie, agrémenté de photos et de crayonnés, qui renforce l’immersion dans la série…
La Venin fait partie de ces séries revigorantes qui revisitent un genre qu’on disait passé de mode avec audace et inventivité et qu’il convient de ranger dans sa bibliothèque aux côté de Stern, Undertaker, Go West Young Man, Buffalo Runner ou Jusqu’au dernier…
Difficile de ne pas se laisser entraîner par l’héroïne auxquels la plume alerte et les crayons inspirés de Laurent Astier prêtent vie. Alors que le passé tourmenté de la jeune femme nous est dévoilé au cours de saisissants flashback, elle poursuit son odyssée vengeresse mais semble douter, pour la première fois, révélant une fragilité qu’on ne lui connaissait pas et qui la rend plus attachante encore…
Quant au dernier tome, il s’annonce d’autant plus détonnant que l’on sait que William McKinley est mort, assassiné, peu de temps après les évènements relatés dans Ciel d’Ether…
- Tu as retrouvé le meurtrier de ta mère, et alors ? Tu ferais mieux d’oublier toute cette histoire et de vivre ta vie.
- Mais c’est mon histoire !!! En plus, il fanfaronne à la une des journaux ! Son crime ne peut pas rester impuni… Il doit payer pour ce qu’il a fait !
- Tu vas le dénoncer à la justice ? Ces hommes briguent des postes de pouvoir, ils sont quasiment intouchables. Même si tu vas voir les marshals fédéraux, qui croira une gamine comme toi ? Ce sera ta parole contre la sienne, et elle ne pèsera pas bien lourd dans la balance…
- Alors il ne reste qu’une solution !
- Laquelle ?
- Le tuer !dialogue entre Emilie et son oncle