L’Helios est un territoire infernal cerné de hautes montagnes où il règne une chaleur étouffante et mortelle. Depuis des lustres, orques et bagnards travaillent sans relâche au percement d’un gigantesque canal pour irriguer ces terres hostiles et alimenter en eau les villes environnantes. Beaucoup meurent à la tâche… Pour avoir comploté et tué un proche du Souverain William, Alceste de Hurlevent y a été déporté, n’échappant à la peine de mort qu’eut égard à la prestigieuse dynastie à laquelle il appartient… Il y officie comme chirurgien, soignant tous ceux qui en ont besoin, sans distinction de race ou de rang… Appelé pour s’occuper des rescapés d’un terrible accident survenu sur le chantier, Alceste croise la route de Jacques, Duc de Batz et Surintendant du royaume qui fut l’un des juges qui l’avait condamné, voilà dix années de cela. Ce dernier est venu dans ces terres hostiles en compagnie de sa fille et de son garde-chasse pour y chasser l’un des derniers Thyrocéros… Mais d’étranges événements sont à l’œuvre sur ces terres désolées où la mort rôde… Un récit envoûtant et immersif Si les récits d’heroic-fantasy sont légions, ceux qui marquent durablement le lecteur sont plus rares. Hurlevent est indéniablement de cette trempe. Et si le scénario de Fred Duval s’avère particulièrement entraînant, on le doit autant à ses talents de conteur qu’à sa formidable capacité à esquisser les contours d’un univers riche, dense et cohérent…Difficile en effet de ne pas être impressionné par la façon dont il esquisse les contours d’un monde foisonnant tout en installant chacun des personnages et en tissant plusieurs intrigues parallèles dont on devine qu’elles vont se télescoper… On s’attache rapidement à Alceste de Hurlevent qui donne son nom à la série. Charismatique, chevaleresque et humaniste, il dénote dans ce monde cruel et brutal et le scénariste en compose, par petites touches subtiles, un portrait saisissant. Mais les personnages secondaires, à commencer par le très noble Duc de Batz, ne sont pas en reste, loin s’en faut… Le dosage entre intrigues, confrontations et action est tout juste parfait, happant le lecteur dès les premières pages et entretenant sa curiosité tout au long de l’album. Ces prémices font immanquablement penser au Dune de Frank Herbert, et pas seulement pour l’aspect désertique de l’Helios… Un dessin élégant sublimé par une colorisation somptueuse Mais si l’intrigue s’avère particulièrement entraînante, le dessin contribue à nous immerger avec force dans cet univers original et atypique dont on découvre les codes, l’histoire, les usages et les coutumes au fil des pages. S’appuyant sur les designs de Fred Blanchard, dont la réputation n’est plus à faire, et d’Armel Gaulme, formidable illustrateur révélé par son sublime Homme qui voulut être Roi: Les carnets retrouvés, Stéphane Créty signe un album graphiquement somptueux. L’élégance de son trait est rehaussée par son encrage subtil et nuancé qui donne à voir des paysages désertiques et envoûtants et met en scène des personnages énigmatiques particulièrement convaincants aux costumes savamment étudiés qui semblent s’inscrire dans une culture préexistante au récit… Mais le dessin ne fait pas tout et il faut souligner l’impressionnant travail de Jérôme Maffre dont les couleurs subliment littéralement les planches de l’album, évoquant par moments certaines dessins de Caza. Son travail sur la lumière est saisissant, mais c’est le soin apporté à la colorisation des paysages qui immerge le lecteur dans ce petit monde en mouvement et met en valeur le travail remarquable du dessinateur…Construit autour d’un personnage de haut rang condamné pour avoir fomenté un complot contre un proche du monarque, le scénario de Fred Duval s’avère remarquablement bien construit. Tout en déroulant plusieurs arcs narratifs captivants, il pose les bases d’un univers cohérent et foisonnant qui semble préexister à l’histoire. Mis en image par le trait élégant servi par un encrage subtil, les magnifiques planches de Stéphane Créty sont sublimées par les couleurs lumineuses de Jérôme Maffre dont le travail est impressionnant de maîtrise… On regrette presque qu’Hurlevent soit annoncé comme une trilogie tant nous avons été conquis par l’amorce récit de renaissance-fantasy particulièrement bluffant. L’homme n’a pas toujours été médecin… Il m’a reconnu et je l’ai reconnu. Il se nomme Alceste de Hurlevent.
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