Juste après avoir déterré le fameux sarcophage tant convoité aux abords du Château de Neurac, Théo Lemoine et Victoria sont agressés par Milord l'Arsouille et sa bande de gredins aux masques d’animaux…

Lorsqu’il se réveille, Théo est enfermé, poings liés, dans une sombre geôle du château de Neurac et se demande avec angoisse ce qu’il est advenu de Victoria… Grâce au malfrat à qui il avait évité la prison, il parvient pourtant à échapper à ses ravisseurs et rejoindre Hugo de Reuhman pour reprendre le fil de cette étrange affaire…

Il se penche alors sur une lettre écrite par Drovetti à sa sœur où le collectionneur relatait la découverte d’un ancien parchemin mentionnant le prêtre d’une divinité peu connue, Baal-Phégor, qui aurait percé le « Grand Secret »… Etais-ce ce secret que recherchait les alchimistes, celui de la fabrication de l’or ou celui de la vie éternelle ? L’enquête de Théo allait le pousser à rencontrer le Vicomte de Cambrai, un vieil aristocrate féru de sciences occultes… Tout laisse à penser que ce dernier en sait plus long qu’il ne veut bien l’avouer sur les recherches menées par Théo et son ami Hugo…

Mais nombreux sont ceux qui cherchent à mettre la main sur ce précieux sarcophage disparu des réserves du Louvre, tel l’inquiétant Aleister Crowley qui s’apprête à entrer dans cette danse macabre…

C’est peu dire que la première partie de cet Or du Temps nous avait enthousiasmé, tant pour le scénario inventif que Rodolphe que pour le dessin fascinant d’Oriol qui nous donne furieusement l’impression d’entrer dans une toile expressionniste…

Nous avions abandonné Théo et Victoria en bien fâcheuse posture et il nous tardait de savoir comment notre enquêteur de l’étrange allait se sortir de ce mauvais pas. Quel plaisir que de se replonger à sa suite ans cette envoûtante enquête flirtant avec l’occultisme et l’ésotérisme ! Et quel plaisir de retrouver ces personnages interlopes et délicieusement archétypaux qui renforcent la filiation avec les romans feuilletons de l’époque… On y retrouve ces délicieuses références à la culture populaire en général et à Belphégor en particulier et l’on devine sans peine que l’auteur a apprécié la formidable série TV que Claude Barma a tiré du roman d'Arthur Bernède. Mais ce n’est pas là la seule référence, loin de là, qui émaille le récit. L’auteur s’amuse en effet à entretenir une savoureuse complicité avec le lecteur en lui donnant à voir des séquences ou des évènements dont il prétend qu’ils ont inspiré d’autres célèbres créateurs, tel Hergé, plusieurs fois cité dans le dyptique…

J’ai pour ma part beaucoup apprécié chacun des personnages, tous intrigants, charismatiques et haut en couleur, tantôt touchants, tantôt délicieusement inquiétants… On appréciera tout particulièrement l’inquiétant Aleister Crowley ou le Vicomte de Cambrai, ses étranges filles, Hugo de Reuhman, l’avatar de Belphégor, sans oublier Théo Lemoine ou l’énigmatique et androgyne Claude… Tous contribuent à poser cette ambiance fascinante qui fleure bon les romans d’aventure feuilletonesques du XIXe avec ses vertigineux rebondissements en cascades qui confèrent au récit un rythme aussi captivant qu’entraînant. Oui, décidemment, Rodolphe fait montre de sa maîtrise de la narration, d’un sens du suspens saisissant, confirmant si besoin était de ses formidables talents de conteur !

L’Or du Temps nous propose en outre une sympathique balade dans le Paris de la Belle Epoque et ses alentours. Avec cette série, Rodolphe s’est appliqué à nous faire visiter les hauts lieux de la Ville Lumière, tel ce fascinant cabaret que fut l’Enfer, avec cette gueule démoniaque qui ornait le portail et semblait prête à dévorer les clients qui y pénétraient et qui se trouve représentée sur la somptueuse couverture du premier tome de ce formidable diptyque…

Il se dégage des planches d’Oriol une atmosphère absolument fascinante. L’artiste espagnol parvient à distiller dans chacun de ses albums une ambiance très particulière, de la Peau de l’Ours à Trois Fruits en passant par Nature Morte[/i], sublimes albums tous trois scénarisés par Zidrou… Il en va de même pour cet envoûtant dytique où chaque case évoque de petit tableau expressionniste, tant dans ses compositions que dans la technique utilisée… sans oublier ses couleurs iconoclastes tout à la fois surprenante et sublimes grâce auxquels l’auteur nous donne à voir les émotions des personnages qu’il met en scène… Je suis littéralement tombé sous le charme de son fantastique travail qui entre en résonnance avec l’impeccable et implacable scénario de Rodolphe.

Ainsi s’achève l’Or du Temps, fantastique série d’aventure policière qui s’inscrit des romans feuilletonesques du XIXe siècle par son rythme soutenu, sa foisonnante galerie de personnages intrigants ou franchement inquiétants et ses rebondissements en cascades.

Rodolphe signe un scénario entraînant truffé de savoureuses références et qui s’avère d’autant plus efficace qu’il est mis en image par les pinceaux inspirés d’Oriol. Son approche expressionniste et ses couleurs aussi fascinantes qu’audacieuses retranscrivent avec art l’atmosphère si particulière qui baigne ce dytique superbe et envoûtant…

Un énorme coup de cœur pour ce récit joliment édité et qui ravira tant les amateurs du Belphégor de Claude Barma ou du Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain que ceux des Jeux de Rôle Crimes de Christophe Chaudier et Yann Lefebvre ou Maléfices de Michel Gaudo et Guillaume Rohmer… En résumé, énorme coup de cœur de par chez nous !

- Une messe noire. Qu’alliez-vous faire à une messe noire ?
- J’accompagnais un ami qui écrit des articles sur ce genre de sujets.
- Drôle de fréquentations !
- J’ai bien un autre ami qui enquête syr des histoires de sarcophages et de prêtres de Baal…
- Bien vu Théo ! je me tais !!dialogue entre Hugo et Théo