Bien que retraité, Balto n’a jamais cessé d’être flic. Il faut dire qu’il aimait son métier presque autant que sa femme… sinon plus… Car, pour lui, personne n’est au-dessus des lois… C’est lui qui lui a passé les menottes…
Il enquête depuis sur des affaires qui n’intéressent pas la police… Balto est de la vieille école : les téléphones portable et internet restent pour lui des technologies incompréhensibles… Mais cela ne l’empêche pas de les utiliser via une jeune hackeuse de 13 ans qui l’assiste parfois… Tel est le cas sur cette affaire de disparition : deux jeunes femmes sont venues le trouver pour lui demander de retrouver une collègue qui travaillait comme elle comme girlcam et qui a disparu du jour au lendemain…
Hanté par son passé, Balto va se lancer dans cette nouvelle enquête… Même s’il n’a aucune idée de ce que peut être une « girlcam »…
Avec
Balto, Aurélien Ducoudray donne naissance à un personnage attachant qui semble un peu anachronique dans ce monde où les nouvelles technologies ont envahi notre quotidien… Mais ce décalage savoureux confère à ce polar cette saveur désuète très appréciable.
De par sa composition atypique qui évoque plus une affiche de film que celle d’un album de BD, la couverture attire le regard. On y voit un vieil homme accoudé au garde-corps d’un balcon qui contemple un monde qui a tant changé qu’il lui semble presque étranger, la cheminée des usines faisant écho à celle de sa clope… Sur la droite, il y a ce voilage léger, agité par le vent… Et cette l’ombre des barreaux projeté sur le sol avec, sur la gauche, cette silhouette intrigante évoquant celle d’un prisonnier… ou d’une prisonnière… Car on se doute que c’est un regard empli de remords et de nostalgie que Balto pose sur le monde, alors que son passé ne cesse de le hanter… Si la couverture s’avère superbe, elle l’est plus encore à la lumière de l’histoire qui dévoile par bribe le passé de ce flic trop intègre…
Le scénario s’avère bien ficelé, prenant et entraînant, d’autant plus qu’une autre enquête vient s’y greffer, met en scène une galerie de personnages humains et attachants et les nombreux flashbacks qui rythment le récit éclaire le personnage central de l’album en précisant son passé et la relation belle, touchante et tortueuse qui l’unit à cette femme qu’il aima… et qu’il aime toujours, hanté à jamais par son souvenir… Ce personnage de flic délicieusement décalé est l’une des grandes forces de ce récit auto-conclusif qui, on l’espère, amorcera une série au long cours…
Pour mettre en scène ce récit, Damien Geffroy adopte un style semi-réaliste épuré particulièrement efficace qui souligne avec art le caractère et les émotions de chacun des personnages, l’Inspecteur Balto en tête, bien évidemment… Son casting s’avère par ailleurs parfait alors que ses cadrages et son découpage accentuent la dimension cinématographique distillés par les dialogues ciselés de Aurélien Ducoudray qui s’avèrent particulièrement percutants et évoquent parfois Audiard par leur rythme si particulier… On appréciera les subtiles couleurs de Mathilde d'Alençon, avec ces différentes de teintes pour les flashbacks nostalgiques qui viennent ponctuer et rythmer le récit, tout en étoffant le portrait de ce vieux bonhomme plein de ressources, même s’il n’est plus trop en phase avec ce monde, trop occupé à regretter ses actes passés…
Scénariste éclectique à qui l’on doit notamment Kidz, Maïdan Love ou L'ours de Ceausescu, Aurélien Ducoudray signe avec Balto un polar particulièrement captivant…
Construit autour de Balto, un flic retraité inadapté au monde moderne et aux nouvelles technologies et hanté par ses souvenirs, le scénario met en scène une galerie de personnages particulièrement bien écrits et profondément humains qui confèrent une saveur toute particulière à l’album… Les dessins semi-réalistes de Damien Geffroy conjugués aux dialogues truculents du scénariste rendent cette enquête on ne peut plus captivante…
Tant et si bien que si l’histoire se suffit à elle-même, on ne peut qu’espérer que les auteurs nous concoctent d’autres enquêtes mettant en scène ce flic attachant et mélancolique…
- Je pourrais avoir les clefs des commodités, s’il vous plait ?
- Il faut consommer pour aller aux commodités. Sinon, y’a des sanisettes en face, à 0,50.
- Alors permettez-moi de vous dire que ce monsieur, ça fait bien une heure qu’il est là, et il n’a rien pris !
- Lui, il a pas besoin de consommer, il loue à l’année.dialogue entre un patron de bar et un client pressé