Synopsis]Vernoux,1470. Connaissant les simples et les potions « la mère » soulage et soigne ceux qui font appel à elle… Au fil des jours et des années, elle transmet son savoir ancestral à Reine, sa petite fille, appelée à lui succéder un jour… D’une beauté troublante, la jeune fille semble posséder un don pour tout ce qui touche à la nature dont elle connaît les méandres et les recoins les plus secrets.
Décelant en lui de grandes capacités, le prêtre du village a appris au jeune Etienne à lire et à écrire… Mais avoir un fils lettré et rêveur n’est pas au gout son père qui exige qu’il l’aide dans les champs et se montre très dur avec lui… Renne et Etienne mais ce dernier, ayant essuyé un fois de plus les crises de colère de son père, décide de partir pour pouvoir s’accomplir, ailleurs, promettant à Reine de revenir…
En route pour Genève, il fait la rencontre d’un voyageur qu’il allait bouleverser sa vie… Ce dernier allait lui ouvrir les portes d’une des plus prestigieuses imprimeries de la ville… Enfin reconnu à sa juste valeur, Etienne va participer à l’impression du
Malleus Maleficarum, sinistre traité de démonologie qui sera utilisé par les inquisiteurs pour traquer et brûler les sorcières…
Sur la statue de Gutenberg élevée à Strasbourg montre l’inventeur de l’imprimerie tenant un livre où on peut lire « fiat lux », et la lumière fut… Car, en permettant une meilleure diffusion du savoir, l’imprimerie allait apporter la lumière de la connaissance au monde et le faire entrer dans la modernité… Mais chaque médaille a son revers et il est des livres, de véritables best-seller, qui ont fait couler beaucoup de sang, tel ce sinistre
Malleus Maleficarum rédigé par les inquisiteurs dominicains Henri Institoris et Jacques Sprenger et qui fut publié à Strasbourg aux alentours de 1486, soit au début des chasses aux sorcières qui firent selon certains historiens entre 30000 et 60000 mortes en Europe…
Le récit de Virginie Greiner donne un visage à ces sorcières, esquissant le portrait de femmes grandes connaisseuses des plantes et de Dame Nature qui mettaient leurs savoirs au service des autres en soulageant leurs douleurs et soignant les villageois et les animaux, protégeant champs et récoltes, aidant les femmes à accoucher ou à faire passer un enfant non désirés dont elle n’auraient pu s’occuper, faute d’argent… Dans les campagnes, elles semblaient bien acceptées, malgré les réserves de certains, même par l’église… Mais il en va tout autrement dans les villes qui prônaient alors un retour à la fermeté religieuse, annonçant l’avènement du protestantisme… Mais on voit aussi comment les princes utilisèrent la religion pour instaurer la peur et affermir leur pouvoir sur le petit peuple… Les femmes qui détenaient le pouvoir d’enfanter et de donner la vie commençaient à inquiéter les hommes de pouvoir et les accuser de sorcellerie était une opportunité de raffermir leur autorité et de se débarrasser d’empêcheuse de dominer en rond… voire des femmes adultères… D’ailleurs, n’est-ce pas à cause d’une femme que l’homme a été chassé du Paradis ?
La scénariste prend le temps de développer chacun des personnages, permettant au drame qui se noue de prendre toute son ampleur. Virginie Greiner prête à Reine des propos féministes mais les sorcières ne sont-elles pas les premières défenseuses de la cause des femmes ? Et n’est-ce pas avant tout parce qu’elles sont femmes qu’elles furent persécutées avant d’être condamnée après un simulacre de procès ?
La couverture de l’album est de toute beauté et la version numérique qui vous est présentée dans ces pages n’est qu’une version affadie de celle que vous pourrez voir sur les étals, avec sa maquette fascinante et cette somptueuse illustration rehaussée de dorures du plus bel effet. Les couleurs lumineuses du trio formé par Carlo Chablé, Marie Galopin et Chiara Zeppegno subliment le dessin réaliste d’Annabel qui pose avec art le décor et donne vie à des personnages attachants dans ce drame romantique évoquant le
Roméo et Juliette de Luigi da Porto, avec cet amour impossible entre un femme accusée de sorcellerie et un imprimeur, expert en démonologie, qui assistera les inquisiteurs lors de son procès…
L’invention de l’imprimerie aurait dû apporter au monde la lumière de la connaissance… Mais certains ouvrages, tel le sulfureux Malleus Maleficarum, véritable best-seller pour l’époque, allait causer la mort de bien des femmes…
Reine est une jeune femme appelée à succéder à « la mère » qui l’initie aux mystères de la nature. Elle soulage les maux des villageois à l’aide des plantes, de potions et de décoctions qu’elle apprend à préparer… Acceptée des villageois et même du prêtre du village, elle est amoureuse du jeune Etienne, fils de paysan initié à la lecture et à l’écriture par le prêtre du village qui a décelé chez lui de réelles aptitudes pour l’étude… Mais son père s’emporte une fois de trop contre lui et le jeune homme décide de quitter le village pour gagner Genève, promettant à Reine de revenir… Devenu imprimeur, ses connaissances en démonologie sont telles qu’il assiste les inquisiteurs lors des procès en sorcellerie…
Virginie Greiner signe un drame romantique qui montre comment l’Eglise et le pouvoir temporel ont sciemment et cyniquement distillé la peur dans les villes et les compagnes pour asseoir leur autorité sur le petit peuple et affermir leurs pouvoirs en faisant des sorcières, et donc des femmes, des émissaires de Satan, qu’il faut combattre et empêcher de nuire… Joliment mis en image par le trait réaliste et généreux d’Anabelle, cet album a fait l’objet d’une édition soignée avec une couverture tout juste somptueuse…
L’Imprimerie du Diable donne un visage à ces sorcières persécutées parce que femmes alors que l’Eglise et les précurseurs du protestantisme prônaient le retour de la fermeté religieuse…
Le savoir n'est pas affaire de pouvoir, Étienne. C'est partager ce que l'on sait au profit de tous et non dans l'intérêt de quelques-uns.Reine