Et si la seconde guerre mondiale n’avait pas été gagnée par les alliés en 1945 ?
Et si les Ases, antiques dieux de la mythologie nordique, étaient réapparus pour brandir la svastika aux côtés de ceux qui se fantasmaient légitimés par le sang à gouverner le monde?...
C’est cette trame que se proposent d’explorer David Brin et Scott Hampton, dans cet ouvrage hors norme puisque comptant près de 150 pages…
L’idée, déjà amorcée par la nouvelle de Brin « L’Amérique n’a pas Thor », nominée au Prix Hugo, est tout bonnement géniale et promettait de ressourcer ce genre particulier qu’est l’uchronie, à cheval entre l’Histoire et l’imaginaire.
Cette version graphique est une réussite, surtout pour la richesse des idées et les emprunts culturels qui y sont réadaptés. Brin est un écrivain, et cela se sent lorsqu’il nous prend par la plume pour distiller toutes les infos sur ce monde en déliquescence à travers les longues introspections de son héros. Hampton a une patte qui confère une atmosphère sombre, toute en clair/obscur, à l’œuvre. Je trouve certains dessins un peu faciles et griffonnés, mais l’usage des couleurs (rouge et bleu, notamment, respectivement pour le début et pour la fin) est intelligent et puissant.
Le tout est segmenté en 2/3 parties ; une amorce et une conclusion, en somme.
Le problème, c’est justement le dimorphisme entre ces deux parties, puisque que l’on passe d’une densité écrite colossale à un récit de BD typique, où l’histoire ne se déroule qu’au fil des bulles. C’est assez déroutant et cela donne l’impression, par contraste, que la suite de l’histoire est creuse en comparaison de son introduction. Et puis, l’usage de stéréotypes héroïques très américains (le héros masqué en armure, comme s’il fallait toujours se cacher d’être américain
; la valorisation du travail,…) et de personnages moins développés et moins humains refroidit un peu. Et puis cela va un peu vite.
Tout ceci est clairement imprimé de prises de conscience écolo et humaniste ; et c’est tant mieux.
L’idée reste donc excellente malgré un développement un peu brouillon et inégal ; et l’on se plaît, à la fermeture du volume, à se satisfaire que les dieux nous aient apparemment abandonné à notre sort…