Cette BD fait partie de la sélection Noël 2005 du « Pack Rouge » sous l’intitulé « Rouge Passion »...
Troisième tome de la série consacrée au détective félin John Blacksad, « Ame Rouge » s’attarde cette fois-ci –tout naturellement, après « Artic Nation »- sur le traumatisme et les conséquences de la seconde guerre mondiale. La guerre froide et le péril nucléaire y sont examinés par l’œil zoomorphisant du binôme espagnol Canales/Guardino. Je ne reviendrai pas sur tout le bien que je pense des aventures de Blacksad. Il s’agit simplement de ce que la BD peut proposer de mieux à ses lecteurs. Pourtant, ce troisième volet est une petite déception, à la proportionnelle mesure du plaisir que j’ai à contempler les deux premiers tomes à chaque fois que je parcoure les rayonnages de ma bibliothèque…
J’ai comme l’impression que le travail a été bâclé (mais le mot est un peu fort pour une telle merveille), et que les auteurs n’ont pas eu le temps…d’avoir le temps.
Le scénario s’appuie sur une réflexion qui est plus que jamais à propos (comme toujours, d’ailleurs), mais le développement semble saccadé, confus, et surtout non abouti. La fin arrive assez soudainement ; ce qui ne serait pas un mal si l’on était sûr d’avoir bien tout compris…mais n’est pas le cas. Il manque certaines scènes clés ouvrant grandes les portes de la compréhension… Et nous voilà à re-feuilleter les pages précédentes pour être sûr d’avoir saisi le décours de l’intrigue. On y perd singulièrement en fluidité et en cohérence, mais peut-être était-ce voulu par les auteurs ?...
Cela dit, ils parviennent à mêler habilement le rouge du brassard, du drapeau à la faucille et l’amour… Car c’est aussi cela, « Ame Rouge » : une symphonie de nuances chaudes et brûlantes, réconfortantes ou/et dangereuses, culpabilisantes ou prometteuses ; le tout sous la forme d’un reflet de notre histoire en général et de celle de l’Espagne en particulier, il me semble. J’ai eu comme l’impression de suivre une parabole scénaristique intimement lié à l’hémisphère nord-occidental : les Etats-Unis, le Nord indifférencié puis l’Europe. A ce rythme là, nous finirons peut-être quelque part dans l’est, pour un volet dépaysant
?...
Quoi qu’il en soit, une fois de plus, n’hésitez pas à parcourir la sombre palette de Canales et Guardino, au travers des péripéties romantiques et explosives de leur héros d’ébène. L’épisode le plus passionnel et peut-être le plus personnel de la série (peut-être trop pour l’investissement des auteurs ?) se révèle encore une fois être la preuve d’un talent qui pourtant n’a plus rien à prouver… Paradoxalement, peut-être est-ce aussi le dernier pan des aventures de Blacksad, si il s’avérait que le souffle des auteurs vienne à s’estomper. Une bonne raison de plus de ne pas l’oublier…