Un film de Terrence Malick est désormais un évènement, depuis sa « Balade Sauvage » de 1974, et plus encore depuis ses « Moissons du Ciel ». L’homme a sa part de mystère, puisqu’il se permit un silence d’une vingtaine d’années avant de revenir avec « La Ligne Rouge », qui rafla l’Ours d’or de Berlin et aurait pu repartir avec l’oscar du meilleur film en 1999…

Avec « Le Nouveau Monde », le réalisateur nous convie cette fois à revivre le mythe de la colonisation de cette terre qui ne devait être qu’une étape vers les Indes…
La première fondation européenne y est dépeinte comme une sorte de lèpre qui aurait rongé la beauté sauvage de ce continent. De fait, ce furent surtout les opportunistes, les opprimés ou les condamnés qui jouèrent leur vie dans cette aventure qui se termina le plus souvent de manière funeste, sous la rigueur du climat ou sous les coups des autochtones. L’histoire nous est dépeinte à travers les yeux et l’histoire authentique de l’indienne Pocahontas, qui assista à ces évènements, sauva la vie d’un certain John Smith (mais l’aima t-elle ? Rien n’est moins sûr…) et se maria avec un indien, puis un colon (John Rolfe) avant d’avoir un enfant de lui. Terrence Malick a donc pris quelques libertés avec l’histoire que nous légua John Smith et ses contemporains. Mais ce film n’est pas qu’une biographie, car pour la colonisation plus que pour tout autre évènement historique, mythe et réalité sont étroitement imbriqués. C’est ainsi que la légende veut que Pocahontas et Smith ait eu une aventure, malgré l’âge des protagonistes à l’époque de leur rencontre (12 et 28, respectivement) et le démenti de Smith lui-même. Mais il est vrai que la vie de ces deux ambassadeurs du « monde d’avant » fut hors du commun.

Par souci d’authenticité, le tournage a eu lieu en Virginie et en lumière naturelle (et en pellicule 65mm), là même où la Virginia Company toucha terre au début du 17ème siècle, pour fonder la première colonie anglaise : Jamestown.

Les acteurs sont tout simplement irréprochables dans leurs rôles respectifs, depuis un Colin Farrell à la présence douce et puissante, en passant par celle de Q’orianka Kilcher, habitée par le personnage légendaire de Pocahontas, à la fois espiègle et terriblement féminine (et pour ce premier film, elle n’a que 15 ans !). Sa performance est époustouflante et rappelle que le talent d’un acteur n’est pas que le fruit de son expérience. Quant à Christian Bale et malgré son apparition tardive, il assoit encore un peu plus son talent en proposant une interprétation toute en finesse de l’amour courtois.

Terrence Malick n’est pas un conteur, car de sa vision de l’histoire, il ne nous livre qu’un récit diffus qui fait la part belle aux symboles plutôt qu’aux mots. Mais justement, l’esthétisme et la puissance évocatrice de ces images nous propulsent littéralement dans cette tragédie qui se noua sur ces rivages lointains. La mort prématurée d’une Pocahontas trop vite exposée aux maladies de l’Ancien monde en est la conclusion logique et tragique, comme si cet exemple d’amour « pionnier » entre l’Ancien Monde et le Nouveau ne pouvait survivre. L’Histoire nous le prouvera, malheureusement…