Fiche descriptive Western Gus Tome 3 Christophe Blain Christophe Blain Walter Dargaud Novembre 2008 Chroniques |
Cette bande dessinée est un western, ce qui a priori pourrait d’emblée la classer dans un genre peut-être un peu à part. Mais pour ceux qui sont passés directement de Lucky Luke à Blueberry, Gus apparaît un peu comme le chaînon manquant : c’est bien plus qu'un western. C’est donc avec bonheur que j’ai découvert les tribulations des trois acolytes, Gus, Clem et Gratt. L’histoire peut dérouter de prime abord, dans la mesure où les codes du genre sont quelque peu bousculés, mais c’est pour mieux s’affirmer dans le comique. Des histoires très drôles donc, car il s’agit là de plusieurs petites histoires en fait (5 dans le premier tome, les tomes suivants gardant le même principe, avec une pagination généreuse -76 pages-, ces petites histoires forment toutefois un ensemble), qui jouent sur le côté absolument décalé des personnages et de leur vies mouvementées. En effet si les trois protagonistes sont des bandits qui passent leur temps à dévaliser des banques et à attaquer des diligences, ils le font avec une déconcertante facilité, et du coup l’histoire nous invite plutôt à nous concentrer sur leurs personnalités et sur… leurs déboires amoureux. Ce n’est pas Desperate Housewives, c’est Desperate Desperados ! Car c’est bien là la principale originalité du récit : c’est un western romantico-burlesque. Enfin romantique tout est relatif, vu la façon dont les femmes sont dépeintes par Blain (mais c’est une habitude chez lui, rappelons nous Isaac le pirate) ; le lecteur masculin s’y retrouvera en souriant, la lectrice sera certainement moins réceptive aux portraits de ces femmes libertines. Romantique tout de même car nos bandits sans scrupules nous donnent tout simplement à voir leurs histoires de cœur (et bon… de fesses aussi), et nos protagonistes ne sont donc pas que de gros lourds dragueurs, il sont plutôt attachants et finalement assez tendres, un peu neuneu en fait face à la gente féminine… Le sommet est atteint à El Dorado (la ville où toutes les femmes sont libres ! « l'endroit ultime, le paradis ») : la drague de Mélanie et Lucy, c'est anthologique ! Et puis il y a Ava, Gisela, Linda, Isabella... Décidément ça emballe sec ; ou plutôt pas tant que ça pour le pauvre Gus... Alors que souvent les dessinateurs/scénaristes auraient bien besoin d’un peu d’aide extérieure pour affiner leur propos, Blain assume et affiche non seulement autant de talent dans l'un que dans l'autre, et dessin et écriture se répondent de façon optimisée. Ce qui impressionne toutefois le plus et qui fait qu'on est là face une grande BD, c’est l’efficacité du dessin de Blain : époustouflant ! Trois traits, deux couleurs, et tout est dit ! Blain c’est quand même deux Alph’Art à Angoulême, mais aussi des collaborations avec Sfar et Trondheim, pardon du peu (Walter aux couleurs n'est pas un débutant non plus : c'est très contrasté, très lisible et rudement efficace, une mise en couleur particulièrement intelligente qui hiérarchise les composants de l'image...). Tout est annoncé avec une belle couverture, c'est radical là aussi : un aplat orange, deux pieds, deux mains et… un nez ! Le nez de Gus qui l'intronise clairement en un Cyrano du Far West, aussi grotesque et sublime que l'original. Les personnages sont extrêmement expressifs (les petits graphismes rajoutés au dessus des têtes pour exprimer divers sentiments sont vraiment drôles et subtils : on visualise ainsi les pensées de nos protagonistes ce qui ne manque pas d'humour, c'est même délirant quand Clem fait l'amour avec Linda). Le découpage des planches peut paraître monotone mais les graphismes sont tellement accrocheurs que ce n'est pas gênant : des dessins faussement naïfs qui révèlent une grande maîtrise du trait (ben voilà : comme Sfar ! Parfois d'ailleurs le dessin semble proche du style de Sfar). Encore mieux que le Rancho Bravo de Blutch et Capron même si on est dans le même registre. Un coup de cœur donc pour cette série qui confirme Blain dans une stature de grand de la BD : chapeau ! par Pierre Bour
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