Les amateurs de Thorgal seront comblés ce mois de novembre puisque ce n’est pas moins de trois titres qui sortent sur nos étals ! Les Origines du Monde qui reviennent sur la genèse des Mondes de Thorgal à travers l’interview des différents auteurs et dessinateurs, le second tome de Louve qui entraînera la fille de Thorgal dans le Royaume de Fenrir, et enfin ce troisième opus de Kriss de Valnor, personnage qui a séduit dès son apparition dans les Archers, album emblématique de la série-mère…

On retrouve donc notre intrépide guerrière qui, après avoir levé le voile sur son enfance sombre et cruelle doit subir la sentence des Walkyries : elle en pourra rester sur Terre que si elle accomplit une action digne d’élever une princesse au rang de reine. Mais gare à elle si elle fait le moindre mal à un être vivant ! La pointe de flèche toujours fichée dans sa poitrine s’y enfoncera un peu plus, provoquant une mort cette fois irrémédiable. La providence l’a mise sur la route d’Hildebrün, princesse d’un royaume dont la couronne est menacée par un étrange roi au pouvoir thaumaturge. Leur relation saphique va les entraîner dans des aventures hautes en couleur dont l’issue est plus que suggérée par la somptueuse couverture de l’album où Kriss de Valnor trône en reine barbare…

Le scénario concocté par Yves Sente s’avère des plus prenants tout en étant particulièrement intrigant. Le roi guérisseur qui tente d’unir les royaumes pour se dresser contre Magnus, un envahisseur inquiétant, est un personnage énigmatique aux pouvoirs étranges évoquant ceux du peuple des étoiles. Les intrigues de cour qui sont l’un des moteurs de l’action plonge l’album dans une ambiance très shakespearienne où amour, mensonges, ambitions, complots et trahisons occupent une place de choix.
Le traitement graphique de l’album laisse une nouvelle fois éclater l’ébouriffant talent de Giulio De Vita. Il s’inscrit dans la continuité de Rosinski (d’avant la couleur directe) tout en imposant sa marque, sa personnalité. La colorisation impeccable de Graza achève d’inscrire cet album dans le sillon creusé par ceux de la série mère.

Digne d’une Reine est incontestablement un grand album, de ceux qui font apparaître les Mondes de Thorgal comme une évidence, une série dans laquelle scénaristes et dessinateurs prennent un réel plaisir à mettre en scène ces personnages et ces univers nés des talents conjugués de Jean Van Hamme et de Grzegorz Rosinski… Oui, vraiment, le mois de novembre se place sous les meilleurs hospices pour les amateurs de sagas thorgaliennes !

Un mystérieux homme masqué guérit un chef de clan d’une blessure incurable. En signe de reconnaissance, le miraculé jure allégeance à celui qui revendique d’être le souverain de tous les Vikings. Ailleurs, Kriss de Valnor se réveille dans les bras d’une jeune femme, fille d’un roi, et ne tarde pas à vérifier que la menace de Freya, à savoir que la pointe de la flèche toujours logée en elle la transpercera si elle tente de prendre une vie, n’est pas une parole en l’air. Livrée à elle-même, l’ancienne guerrière suit sa belle compagne en mission de surveillance des frontières menacées par un empereur chrétien.

Le récit commence de manière plutôt intéressante avec un monarque guérisseur qui n’est pas sans rappeler certains personnages du peuple des étoiles. La suite propose son lot de complots et intrigues parmi lesquels s’entremêlent jalousie, ambition et mort. Le tout est mené sur un rythme alerte et la lecture est plutôt fluide. Au dessin, De Vita fait preuve d’une dextérité certaine dans un style évoquant, sans le copier, celui de Rosinski. Malgré quelques imprécisions au niveau des visages sur les plans larges, son graphisme accompagne utilement et agréablement la narration.

Le problème, car il y en a un, et de taille, est que l’aventure pour l’aventure, cela s’avère généralement un peu vain. Il faut que toutes les péripéties soient au service d’un but qui leur donne du liant. Dans le cas présent, l’épopée n’est que prétexte pour réintroduire Kriss de Valnor dans le monde des vivants. Alors que sa résurrection est déjà une couleuvre un peu grosse, l’avaler aurait été possible si cela avait permis de suivre un protagoniste devant lutter entre son instinct premier et sa position de mort en sursis. Au lieu de ça, en deux temps trois mouvements, Kriss sort de sa condition d’être déchu et maudit pour retrouver puissance et liberté. Finalement, la très belle couverture résume parfaitement l’album. Pour l’anecdote, l’histoire permet également, de manière quelque peu ridicule, de profiter pleinement de la plastique avantageuse de l’héroïne grâce à quelques scènes saphiques et une tenue pour le moins légère pour une contrée enneigée ! Au final, retour à la case départ, il ne reste plus qu’à célébrer les retrouvailles avec Thorgal qui ne sauraient tarder.

Les fans inconditionnels trouveront peut-être des circonstances atténuantes tandis que les simples amateurs de ce monde créé par Van Hamme et Rosinski regretteront un amour perdu. Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, qu’ils se précipitent sur la série mère, de vraies pépites les attendent.