Jérôme K. Jérôme Bloche est un personnage de bande dessinée discret né de l’imagination fertile et prolifique de Makyo (Balade au Bout du monde , Je suis Cathare , Grimion gant de cuir …) et Serge Le Tendre (Chinaman, Quête de l'oiseau du temps, le Livre des destins...) et des crayons agiles d’Alain Dodier. Ce dernier reprend seul les rennes de la série à partir de Zelda, sixième tome d’une série fleuve captivante et prenante, de par l’humanité de ses personnages et sa grande qualité d’écriture. Chaque album propose une enquête menée par Jérôme, détective privé un peu gauche et tête en l’air, grand amateur d’Humphrey Bogart à qui il emprunte le feutre et l’imper qu’il portait dans le sublime Casablanca de Michael Curtiz.
Au fil des tomes, le scénariste-dessinateur a pris le temps d’installer et de développer les personnages de la série, qui reviennent régulièrement, étoffant les liens les unissant, apportant sa crédibilité et sa densité au récit. Sans esbroufe, sans cascades ou poursuites endiablées, il installe une atmosphère savoureuse dans chacun de ses albums. Ouvrir un Bloche, c’est un peu comme retrouver un ami après plusieurs mois d’éloignement. On est d’emblée en terrain connu et l’on se plait à suivre l’enqupete parallèlement à sa vie et sa relation avec Babette, alias Élisabeth Kalouguine, avec qui il partage sa vie, lorsque leurs métiers respectifs leur permette de se voir (elle est hôtesse de l’air).

Un maître-chanteur semble utiliser les secrets de la confession pour faire chanter d’ « honnêtes » paroissiens de Notre Dame de Clignancourt où officie le père Arthur, ami de notre détective préféré. Etrangement, le corbeau exige d’être payé en chèque libellé à l’ordre d’une association caritative ayant pour objet la rénovation de l’orgue… Ce qui aiguille les soupçons vers le pauvre père Arthur, suspecté par certains de ses ouailles d’être à l’origine de ses lettres. Et comme les ennuis volent souvent en escadrille, c’est au cours de cette enquête que le père de Babette décide de réapparaitre, après vingt années d’absence. Vingt années durant lesquelles Babette le croyait mort.
On retrouve dans cette nouvelle enquête tout le charme de la série : une enquête simple et efficace, ancrée dans le quotidien mettant en scène des personnages à la fois crédibles et profondément humains, avec leurs parts d’ombre et de lumière, et un Jérôme égal à lui-même : drôle, distrait mais terriblement efficace.

Le trait épuré d’Alain Dodier s’avère encore et toujours d’une redoutable efficacité. La fluidité de sa narration fait oublier la pourtant remarquable construction de ses planches et le formidable travail réalisé sur le cadrage. La colorisation de Cerise est une fois encore de haute tenue, accentuant encore la lisibilité des cases de l’album.

Post Mortem est un récit croisé solidement charpenté qui s’inscrit dans le sillon creusé dès les premiers tomes de la série. Un excellent album de Jérôme K. Jérôme Bloche de plus pour une série qui ne compte aucun faux pas!