L’album s’ouvre sur un homme découpant soigneusement les lettres d’un journal pour composer une inquiétante lettre sur laquelle on peut lire « J’aurai ta peau Dominique A ». En fond sonore, Il ne faut pas souhaiter la mort des gens de Dominique A, un titre qui donne un relief étrangement décalé à l’action…
Changement de décor pour la seconde planche alors que la musique se poursuit avec le chanteur qui l’interprète sur scène… Durant le concert, son fan numéro un, un inquiétant sosie, hurle hystériquement son nom… Dans les coulisses, l’auteur découvre la fameuse et inquiétante lettre qui va faire basculer son destin. Qui peut bien souhaiter la mort d’un chanteur « pas si connu que ça » ? Qui a-t-il bien pu heurter au point que ce dernier veuille le faire basculer de vie à trépas? Un esprit dérangé qui n’ira sans doute pas plus loin que cette lettre… Mais lorsque le corbeau passe à l’acte et tente de poignarder le chanteur, il faut se faire une raison, quelqu’un a bel et bien décidé de le supprimer. L’inspectrice qui enregistre sa plaine et pour le moins dubitative, jugeant que ce ne sont pas là les affabulations d’un chanteur désireux de défrayer la chronique et de faire souffler les trompettes de la renommée…
S’en suit alors une histoire délicieuse flirtant avec le surréalisme comme avait su le faire Michel Blanc avec son excellent Gosse Fatigue qui trouve ici de lointains échos…
Arnaud Le Gouëfflec retrouve son complice Olivier Balez avec qui il avait signé le saisissant Chanteur sans Nom et le troublant Topless. C’est toujours un réel plaisir que de découvrir l travail de ses deux auteurs iconoclastes qui entraînent le lecteur à mille lieux des sentiers battus pour des histoires aussi originales que captivantes. Et ce J’aurai ta peau Dominique A. ne déroge pas à la règle… Quelle étrange idée savoureuse que de s’emparer d’un chanteur existant pour tisser une histoire surréaliste qui va entraîner le lecteur à suivre les doutes et les interrogations d’un artiste « underground » que l’on connaît sans connaître et qui fête déjà ses vingt années de carrière ! On y croise même en guest star un certain Philippe Katerine et son univers fantasque et décalé ! Les affres de la dépression guettent Domnique A. alors qu’il s’interroge sur le sens de sa vie, plongeant le lecteur dans les tourments de la création artistique…

Ce mélange de fiction et de réalité confère à cet album une teinte toute particulière… Olivier Balez parvient à habiller ses planche d’une certaines musicalité et à donner vie à la truculente galerie de personnages imaginés par Arnaud Le Gouëfflec (la voyante qui lit dans la fumée de cigarette, l’imprésario, le gorille, le fan inconditionnel sans oublier Philippe Katerine et Dominique A. lui-même!) avec un évident talent. Son style qu’on pourrait qualifier de « sérigraphique », reconnaissable entre tous, est d’une redoutable efficacité. Son trait sobre et élégant pose un univers graphique fort et expressif avec une facilité déconcertante. Les amateurs pourront trouver sur internet une planche concoctée au début du projet, alors que les deux auteurs s’étaient rendus au Théâtre de la Ville en coulisse pour y découvrir quelques anecdotes qui ont sans doute alimenté cet album…

J’aurai ta peau Dominique A. n’est absolument pas une biographie, mais une création imaginaire bâtie autour d’un chanteur qui a mené sa carrière sans faire de concessions. La musique n’en finit décidemment pas d’inspirer ce duo d’auteurs aussi inventifs que talentueux! Et force est de reconnaître que nous ne nous en plaignons pas, bien au contraire!!! Quand à la collection 1000 Feuilles, elle n’en finit pas de nous enthousiasmer!