Après avoir amorcé les Mondes de Thorgal en faisant la part belle à des personnages secondaires mais majeurs de la saga du fils des Etoiles (de l’aventurière Kriss de Valnor à la jeune Louve), voici qu’on s’intéresse à présent à l’enfance du héros. Les amateurs de cette passionnante et épique série fleuve savent qu’entre les évènements relatés dans Aaricia (quatorzième tome de la série) et eux relatés dans la Magicienne Trahie (premier tome de la série), cinq années se sont écoulées. Cinq année durant lesquel Thorgal assa du stade de l’adolescent à l’âge adulte sans qu’il soit fait mention des aventures trépidentes qu’il a pu vivre, alors que grandissait l’amour entre lui et Aaricia, fille de Gandalf-le-fou.
L’ombre de Grzegorz Rosinski plane évidemment sur cet album à travers la somptueuse couverture apparemment réalisée sur toile et qui évoque celle des grandes heures de la saga, de la Magicienne Trahie au Maître des Montagne. Nous retrouvons avec cette nouvelle série le duo qui s’est emparé avec un talent évident du personnage de Louve dans le spin-off éponyme…

Un terrible famine s’est abattue sur le pays des viking du Nord et les dieux d’Asgard restent sourds à leurs prières. Les hommes ont quitté le village pour partir chasser. En l’absence de Gandalf, son fils Björn a pris les rênes du pouvoir et semble désireux d’imposer sa loi. Sa haine pour Thorgal le bâtard devenu scalde (poète scandinave) est telle qu’il propose de le sacrifier pour apaiser la colère des Ases (les dieux habitants Asgard). Mais le chant de Thorgal attire trois baleines qui entrent dans la crique du village et pourrait bien le sauver de la famine! Mais celle-ci s’adresse à Thorgal, lui apprenant qu’elle ne sont autre que les trois sœurs Minkelsönn transformée en baleine par Frigg suite à une nouvelle perfidie de loki. Thorgal n’a que quelques jours pour les sauver et devra pour cela aller à l’encontre de la la femme d’Odin…

Le scénario concocté par ce vieux briscard qu’est Yann s’inscrit parfaitement dans la mythologie crée par jean Van Hamme. On y retrouve avec plaisir la candeur et la légèreté de la petite Aaricia et la fougue du jeune Thorgal que la différence d’âge avec sa future épouse fait apparaître comme plus mûr. Yann a truffé son récit de références à la série-mère, à commencer par la présence de la « prisonnière de la tour basse » que les inconditionnels de la série connaissent bien (L’avenir nous dira s’il apportera de nouveaux éléments sur cet éminent personnage et ses troubles relations d’avec Gandalf-le-Fou)… Mais, fidèle à lui-même, il s’est amusé à parsemer son texte de clins d’œil décalés, tel cette référence à la pomme empoisonnée du dieu Thuring, référence évidente à La mort d’Alan Turing, célèbre mathématicien britannique. J’ignore si le mythe des trois sœurs Minkelsönn est ou non emprunté à la mythologie scandinave mais le fait est qu’il parait crédible, au vu du caractère de Loki et la jalousie maladive dont Frigg a su y faire preuve.
Le dessin de Roman Surzhenko est une fois encore particulièrement convainquant. Il s’inscrit dans la lignée de celui de Rosinski avec une apparente aisance. Ses paysages sont de toute beauté et ses personnages très fidèles à ceux nés à la pointe des crayons de l’illustre Rosinski. La colorisation semble elle aussi directement s’inspirer des albums mettant en scène Thorgal enfant, apportant une cohérence appréciable à l’ensemble de la série.

Reprendre le personnage de Thorgal était sans nul doute une entreprise périlleuse dont ces deux auteurs se sortent pourtant avec un brio évident. Ils parviennent à apporter une note de fraîcheur et d’inventivité à la série en y imprimant leur marque, et ce tout en étant respectueux de l’œuvre originale. La trame générale s’avère être d’un grand classicisme mais c’est avec un réel plaisir que l’on retrouve ces personnages emblématiques de cette grande saga qu’est Thorgal… de la fourberie de Björn à la fraîcheur d’Aaricia, de la sagesse de Hiérulf au courage de Thorgal… Nous somme sous le charme de ce nouvel arc narratif qui apporte une pierre de plus à ces Mondes de Thorgal, décidemment passionnant en nous faisant remonter aux sources du mythe…