Traquemage est de ces récits dont on fait les légendes : un héros issu du peuple va prendre les armes pour éradiquer les mages de la surface de la terre… Son nom ? Pistolin, un vaillant éleveur de cornebique... euh… oui, de cornebique, une sorte de mouton-chèvre… mais courageux le Pistolin, hein! Oui, un brin dadais aussi…
Pistolin, donc, bravant la guerre qui fait rage et décime les contrées environnantes, décide d’emmener les restes de son troupeau dans brouter dans les verts pâturages. Il doit user de menace pour convaincre ses cornebiques apeurées de le suivre en ces terres désolées. Las! Malgré une ruse digne d’Ulysse, tout son troupeau sert de repas aux aigles de combat de Kobéron l’Etincelant. Tous, sauf une, Myrtille, totalement traumatisée par ces sinistres évènements… C’est alors que Pistolin jure face au ciel et sur ses pécadous (fromage gouteux mais odorant) de débarrasser le monde de ces saletés de mages qui causent tant de tracas…
Armé d’une lame légendaire (qui a fait ses preuve dans le débroussaillage) et de son seul courage, le voilà qui part vaillamment sur les chemins à la rencontre de son destin, accompagné de sa fidèle cornebique (dernière rescapée de son troupeau)… Mais avant d’affronter les puissants mages, il lui faut se faire la main… et quoi de mieux qu’une fée alcoolique et désespérée pour éprouver le tranchant de sa lame?
Commence pour Pistolin et sa cornebique une longue et pénible quête à l’issue plus qu’incertaine…
Wilfrid Lupano, toujours aussi inventif et talentueux, inaugure avec
Traquemage un nouveau genre, quelque peu iconoclaste : celui de la Rural Fantasy (RF pour les intimes), mêlant habilement fantasy et ruralité, comme son nom l’indique avec une remarquable justesse…
Fantasy oblige, nous avons un héros (que dis-je, une communauté, constituée d’un berger, d’une cornebique et d’une fée, certes alcoolique) et une quête formidable… Certes, le héros, un peu gauche et passablement naïf, ne sait pas trop par où la commencer… Parce que, mine de rien, tuer les mages c’est une sacrée gageure! Mais qu’importe, il y va d’un pas ferme et décidé… Comme à son habitude, le scénariste propose une histoire jubilatoire portée par des dialogues truculents, finement ciselés et joyeusement déjantés.
Si le récit Wilfrid Lupano de se lit d’une traite (matinale) et se boit comme du petit lait (de cornebique), force est de reconnaître que le travail graphique de Relom n’y est pas étranger. Son dessin, délicieusement caricatural, accentue avec maestria le comique de situation avec ses trognes improbables et des détails qui tuent. J’avoue avoir une affection toute particulière avec la pauvre Myrtille, quelque peu malmenée par les auteurs, ce qui devrait leur valoir quelques procès de la S.P.A… Une fois encore le scénariste a su trouver la perle rare en trouvant LE dessinateur dont le style colle parfaitement à son récit joyeusement baroque et décalé…
Avec une amorce des plus déjantée et une thématique pour le moins originale, Wilfrid Lupano et Relom signent un album jubilatoire plein de fureur, de larmes (de rires) et de sang, inaugurant ce faisant un nouveau genre littéraire improbable mais néanmoins très enthousiasmant… La rural fantasy est née, pour notre plus grand plaisir! Ce nouvel album de Lupano est, comme toujours, un petit bijou d’inventivité… à déguster sans modérations avec un bon fromage (de cornebique)…