


La Commune est une période historique étonnamment méconnue du grand public… Mais quoi de plus normal puisqu’elle se situe dans une période historique rarement étudiée à l’école… A croire que la démocratie sociale qui s’esquissait durant ces quelques semaines inquiète encore et toujours les gouvernements qui se sont depuis succédés.
Wilfrid Lupano se propose de nous conter la Commune au travers du destin de femmes venues d’horizon très divers et qui participèrent, à leur façon, à cette insurrection révolutionnaire…
1871. Élisabeth Dmitrieff, déléguée à Londres de la section russe de l'Internationale Ouvrière est envoyée par Karl Marx en mission d’observation dans le Paris de la Commune. Elle y prend part activement, devenant présidente de l’Union des femmes pour la défense de Paris et l’aide aux blessés, le tout premier mouvement féministe d’Europe. Sa verve, sa détermination, sa beauté et ses origines aristocratiques qui la distinguent des autres communardes elle va attirer l’attention des hommes sur ses revendications féministes… Mais le spectre de la Semaine Sanglante se profile et le vent mordant de l’Histoire va balayer ses légitimes aspirations…

Avec le talent qu’on lui connaît, Wilfrid Lupano nous brosse le portrait subtil de cette activiste russe qui fut l’une des grandes figures de la Commune. Solidement documenté, le scénariste ne se veut pas exhaustif sur les événements denses et foisonnants qui ont marqué les trois mois que durèrent la Commune mais se propose de les décrire au travers du regard de Liza Dmitrieff, fille illégitime d’un officier tsariste, militante féministe entière et intrépide. A travers son destin fulgurant, il parle de la condition féminine, vecteur de progrès social, qui étaient loin de faire partie des préoccupations des élus de la Commune.
Bien avant de découvrir l’histoire romanesque de cette
Aristocrate Fantôme, c’est la magnifique couverture superbement maquettée d’Anthony Jean qui attire d’emblée le regard. On y voit Élisabeth Dmitrieff, debout sur les barricades du Faubourg Saint-Antoine, les armes à la main, alors qu’autour d’elle se déchaîne l’enfer des combats. On devine en arrière-plan le peuple de Paris, où se mêlent bourgeois et ouvrier, dans cette lutte inégales contre les troupes versaillaises...
Avec ce style si particulier qui caractérise son trait, Anthony Jean (
La Licorne scénarisé par Mathieu Gabella) compose des planches superbes, mettant en scène un personnage surprenant, à la fois forte et fragile, intransigeante et sensuelle… Sa reconstitution du Paris de la Commune est remarquable, du faste des salons à la misère des rues. Son évocation de la semaine sanglante, à la fois puissante et violente, est impressionnante de maîtrise et de subjectivité…
Cette nouvelle série de Wilfrid Lupano s’annonce particulièrement enthousiasmante. Au travers le regard d’une poignée de femme, elle nous donne à voir l’histoire méconnue de la (deuxième) Commune de Paris. Superbement mise en image par un Anthony Jean et ses habiles pinceaux, ce récit romanesque de Wilfrid Lupano nous conte le destin fulgurant d’une jeune aristocrate socialiste qui s’est lancé à corps perdu dans la lutte pour l’égalité entre hommes et femmes… Un combat qui continue d’être d’actualité, un siècle et demi après…