Avec Champs d’Honneur, au travers de cinq batailles emblématiques, Thierry Gloris se propose de nous interroger sur ce qu’est l’identité française, ce sentiment complexe d’appartenance à une nation ou de participer à un destin collectif… Après Valmy, Castillon et la Bérézina, c’est au tour de la Bataille de Camerone, défaite sanglante mais haut fait d‘arme de la Légion, de nous être conté…

La visite d’un ancien employé de son père devenu officier va faire naître chez le jeune Jean Danjou sa vocation militaire. De l’Algérie à la Crimée, du siège de Sébastopol aux campagnes d’Italie, il fut de toutes les campagnes du second Empire et fit partie du corps expéditionnaire dépêché par les puissances maritimes pour contraindre Juarez à payer ses dettes…

Dans ses multiples combats où il défendit avec honneur le drapeau français, sa route allait croiser celles d’autres légionnaires venus de différents horizons et avec qui il allait mourir à Camerone, luttant avec une poignée d’hommes contre une armée de 2000 mexicains…

A l’instar des tomes précédents de la série, le propos n’est de nous conter par le menu le déroulé de la bataille de Camerone, qui n’en reste pas moins le point culminant de l’album, mais de nous parler du destin de quelques-uns de ces hommes qui y combattirent et y trouvèrent la mort, luttant pour un pays qu’ils ont, pour beaucoup, choisi de servir. On y suit l’itinéraire du Capitaine Danjou, de la naissance de sa vocation militaire à sa résistance héroïque à Camerone dont l’histoire est inextricablement liée à celle de la Légion.

Défaite militaire, cette bataille où les légionnaires firent montre d’un courage sans pareil n’en reste pas moins une victoire stratégique puisque le sacrifice de ces légionnaires a permis au convoi parti de Soledad d’arriver à bon port… Mais avec cette bataille Thierry Gloris pose en filigrane une question cruciale: qu’est-ce qu’être français? Qu’est ce qui peut pousser des allemands, des italiens, des belges ou des espagnols à s’engager dans la Légion, à risquer leur vie pour porter au plus haut les couleurs d’un drapeau qui n’est, originellement, pas le leur?

Avec le talent qu’on lui connaît et qu’on a pu apprécier notamment dans l’excellent Meridia (déjà scénarisé par Thierry Gloris!), Joël Mouclier signe un album somptueux. D’une rare élégance, son trait, rehaussé une mise en couleur des plus subtiles, sert remarquablement bien le récit solidement documenté de Thierry Gloris alors que son découpage, renforcé par des cadrages saisissants, s’avère particulièrement fluide. Signée Ugo Pinson, la couverture est une fois encore superbe, plongeant d’emblée le lecteur dans la furie des combats…

Alors que la douloureuse page du débat sur la perte de la nationalité a été (définitivement?) tournée, la question d’appartenance à une nation mérite d’être posée… En donnant chaire aux Légionnaires qui se sont sacrifié à Camerone, en replaçant cette bataille dans son contexte historique, Thierry Gloris et Joël Mouclier apportent des éléments de réponses, comme chacun des tomes précédents de cette série aussi ambitieuse que pertinente…

Quatrième tome de Champs d’Honneur, Camerone ne dépareille pas aux côtés de Valmy, Castillon et la Bérézina qui l’ont précédé, formant un puzzle édifiant et complexe de ce qu’est l’identité française et la façon dont elle s’est construite, par petite touche, au fil du temps et des aléas de l’histoire…

C’est avec impatience que nous attendons Dunkerke et l’Opération Dynamo qui permis au gros des troupes britanniques et à une partie de l’armée française de s’extraire d’un mortel étau…