




Y-a-t-il pire douleur au monde que de perdre un enfant ardemment désiré? Ingrid Chabbert et Carole Maurel nous parlent avec pudeur et poésie de ce deuil et de la difficulté de se reconstruire, de remonter sur la barque, de se donner le droit de rire, de continuer, d’être heureux, malgré la douleur…
Elles s’aiment d’un amour sincère et profond… Après des années d’attente et d’espoir déçus, l’une porte enfin leur enfant… Mais la grossesse se complique et l’horizon s’obscurcit… Le pire survient, meurtrissant les corps et les âmes…
Il va leur falloir réapprendre à vivre, sans cette petite vie qui leur a été arrachée… L’une va se réfugier dans l’écriture, esquissant une histoire pour enfant qu’elle aurait sans doute voulu lui raconter…
Ceux qui ont traversé ce drame savent combien il est difficile de parler de cette indicible douleur, de mettre en mots ou en images cette incommensurable peine qui, après un raz de marée qui emporte tout,

s’en va et revient comme une vague, vous submerge à nouveau puis s’éloigne… pour revenir, inlassablement…
Et c’est avec une justesse confondante et un retenue saisissante qu’Ingrid Chabbert parvient à retranscrire ces flux et reflux d’émotions… Les deux personnages principaux restent étrangement anonymes… Mais qu’importe leur nom, leur histoire est universelle… Elles s’aiment et avaient esquissé un magnifique projet avant que l’orage ne gronde et que les éléments se déchaînent… Et cet amour transparaît à chaque page, à chaque case, les aidant à affronter cette cruelle épreuve et à se reconstruire, patiemment… à comprendre que malgré la tristesse et le chagrin, malgré cette blessure qui ne se refermera sans doute jamais, elles ont encore le droit de rire, de vivre et d’être heureuses…

Une fois encore difficile de ne pas être envouté par le formidable travail graphique de Carole Maurel. En parfaite osmose avec ce récit intimiste et touchant, la dessinatrice aborde avec l’histoire avec pudeur et poésie, mettant en scène de façon symbolique et imagée les interrogations de cette mère… Avec retenue, sans montrer le désespoir que l’on devine pourtant dans les ellipses narratives, elle met en image avec finesse et tendresse les interrogations de cette jeune femme qui se retrouve en pleine mer et regarde sa barque s’éloigner… Lui faut-il lutter pour y remonter ou se laisser couler pour en finir avec cette insupportable douleur?
La scène ou la jeune mère est dans la barque, tenant entre ses doigts un ballon rouge en forme de cœur, est tout juste bouleversante de justesse… Et que dire de cette idée subtile de peindre en noir et blanc un monde rendu désespérément terne par la perte de l’enfant, avant qu’il ne se recolore par petites touches discrètes mais tellement revigorante…
Ingrid Chabbert et Carole Maurel nous raconte une histoire d’amour intimiste, belle et poignante, abordant avec justesse et poésie l’indicible douleur de la perte d’un enfant et la difficulté à se reconstruire après le drame…
Le récit poignant de la scénariste, dont l’extrême justesse laisse entrevoir qu’il fait partie de son vécu, est superbement mis en images par cette talentueuse dessinatrice qui parvient avec une désarmante facilité à capter et retranscrire les émotions de ces deux personnages unis par un amour sincère et touchant…
Ecumes est un album cathartique et salutaire à même d’aider les parents qui traversent ou ont traversé cette même tempête, à voir qu’au-delà des ténèbres brille encore une lueur d’espoir… à accepter que malgré cette terrible épreuve, on a encore le droit de rire, de vivre et d’aimer…