Adapté du roman éponyme de Marek Halter, Le Kabbaliste de Prague est un récit étrange et envoûtant écartelé entre Histoire, légende et mystique juive…

Prague, an 5359 après la création du monde, 1599 du calendrier chrétien. Les préparatifs du mariage entre Eva et Isaïe battaient leur plein et faisaient la joie de Jacob et Isaac… Mais Eva a décidé de briser la promesse de son père en s’enfuyant avec Bachrach, un riche marchand de Worms, jetant le déshonneur et la honte sur sa famille…

Une année passa… Une lettre informa Jacob qu’Eva avait épousé Bachrach et qu’elle souffrait d’un mal inquiétant que seul son grand-père, le Maharal est à même de guérir : elle serait possédée par un le Dibbouk, un démon qui hante ses nuits… David Gans est chargé de se rendre à Worms pour remmener Eva à Prague… Mais dans une Europe déchirée par les guerres de religion, le voyage s’avèrera bien dangereux : En période de troubles, les communautés juives sont souvent prises comme bouc émissaire…

En chemin, la foule en furie va se déchaîner sur leur voiture, massacrant l’époux d’Eva, David et cette dernière ne devant leur survie qu’aux relations unissant David à l’Empereur pour qui il servit d’intermédiaire pour faire venir le grand Tycho Brahé à la cour impériale… De retour à Prague, Eva va n’avoir de cesse que de demander au Maharal d’utiliser sa sapience et sa sagesse pour donner vie au Golem afin de protéger leur communauté plus menacée que jamais par la haine et les pogroms …

Malgré les coupes et ellipses narratives nécessaires à l’adaptation en BD du chef d’œuvre de Marek Halter, il se dégage du Kabbaliste de Prague un charme étrange et puissant qui opérait dès les premières pages du premier tome… Makyo s’est emparé de la matière du roman pour tisser un récit envoûtant écartelé entre histoire et mythe. Le scénariste chevronné a su conserver la veine littéraire du récit avec de longs et passionnants récitatifs qui nous immerge dans une culture ancestrale…

Mais s’il est baigné de mystique juive, le récit nous immerge avec force détails au crépuscule du XVIème siècle, dans une Europe déchirée par les guerres de religion où les juifs servent d’exutoire aux colères du peuple…

Luca Raimondo signe un album parfaitement maîtrisé. La couverture, qui réponds à celle du premier tome, est une fois encore superbement expressive… La première montrait le Maharal marchand sur le célèbre Pont Charles avec, planant sur la scène le Golem fantomatique et protecteur… Celle-ci montre Prague à feu et à sang, avec David Gans, disciple du Maharal, marchant au milieu du tumulte… Les fumées de l’incendie montant vers le ciel esquissant la silhouette du Golem dans le ciel pragois, un Golem tout à la fois puissant et inquiétant…
Les planches du dessinateur italien sont superbes et son encrage appuyé et sa mise en couleur lumineuse retranscrivent avec une redoutable efficacité cette Europe écartelée entre l’obscurantisme des guerres de religion et les lumières de la Renaissance qui peinent encore à dissiper les ténèbres…

Ce diptyque du Kabbaliste de Prague est une formidable adaptation du chef d’œuvre de Marek Halter dont nous ne pouvons que conseiller la lecture.

Porté par le dessin réaliste et saisissant de Luca Raimondo et s’inscrivant dans une veine très littéraire, le scénario puissant et envoûtant de Makyo respecte l’esprit de ce roman qui mêle avec habilité Histoire et mystique juive et s’emparait de la figure du Golem dont la légende inspira le Frankenstein de Mary Shelley.