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Les mains d'Illian
Le Boiseleur



Fiche descriptive

Contes et Légendes

Le Boiseleur

Tome 1

Hubert

Gaëlle Hersent

Gaëlle Hersent

Soleil

Métamorphose

16 Octobre 2019


19€99

9782302077782

Chronique
Les mains d'Illian
Une oeuvre ciselée

En ces temps fort lointains habitait dans la ville de Solidor Illian, jeune apprenti sculpteur. Son habileté ravissait l'impitoyable Maître Koppel, délesté ainsi de la plupart des tâches de sculpture.

Les habitants de Solidor avaient développé une passion pour les oiseaux exotiques, et chaque maison comportait au moins une cage en bois, avec au moins un oiseau. Les écouter enchantait Illian. Un soir, tandis qu'il fignolait un petit rossignol sculpté dans un rebut de bois, Maître Koppel surgit, furieux, avant d'être apaisé par sa fille, émerveillée par la sculpture.

Une sculpture dont ils étaient, à cet instant, loin d'imaginer les répercussions sur toute la ville...
un excellent album!


Une oeuvre ciselée
Le Noiseleur, planche du tome 1 © Soleil / Hersent / HubertL’histoire se déroule dans la ville de Solidor située sur une presqu’île séparée du reste du monde par des montagnes pratiquement infranchissables. Cet endroit isolé qu’on ne peut aborder qu’en bateau a une faune et une flore qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Ses oiseaux sont ainsi des griselottes quasi aphones au plumage terne. Ceci a fait se développer chez les habitants de cette contrée une véritable fascination pour les oiseaux exotiques bariolés au chant mélodieux. Tous, ou presque, en possèdent et les exposent sur le rebord de leurs fenêtres dans des cages de bois. Les cages les plus prisées sont celles de maître Koppel qui les fait sculpter par son apprenti Illian. Ce jeune homme, très doué, est exploité par son patron mais il prend son mal en patience parce qu’il est secrètement amoureux de la fille de la maisonnée, la belle Flora. Quand il n’admire pas la jeune fille à la dérobée, écouter le chant des oiseaux lors de ses livraisons en ville est son plus grand bonheur. Mais il n’a pas le moyen de s’en offrir alors, un jour, à défaut d’en avoir un vrai, il en sculpte un dans un rebut de bois. Son maître le surprend et Illian est alors loin de se douter que son geste va lancer une nouvelle mode et avoir de terribles répercussions…

Il était une fois…
La phrase d’introduction « en des temps fort lointains » nous plonge d’emblée dans l’univers du conte et des légendes : nous sommes à une époque indéterminée (mais les costumes font penser à la Renaissance), dans la ville imaginaire de Solidor, en un pays d’Orient, ainsi que le soulignent les consonances arabisantes, l’architecture (la place du marché aux oiseaux et les minarets en arrière-plan) et les tons ocres et sables.

Le Noiseleur, planche du tome 1 © Soleil / Hersent / HubertCe monde imaginaire est peuplé de figures archétypales : le jeune et candide apprenti, son maître cruel et cupide et sa fille, belle et douce ingénue. Et comme dans les contes à nouveau, l’onomastique choisie permet de caractériser les personnages : Koppel signifie en allemand, « ceinturon » ou « enclos » et montre bien (y compris dans ses sonorités) la violence et la cruauté de cet homme qui emprisonne son apprenti, Flora au contraire est un prénom parfait pour une jeune fille en fleur tandis qu’Illian veut dire « descendant de haute origine » en hébreu ou « grandeur spirituelle » en arabe et met en valeur les qualités du héros. Et le graphisme est à l’avenant : Koppel ressemble à l’ogre des contes par sa stature massive et sa barbe menaçante, Flora emprunte ses traits et sa belle chevelure rousse aux peintures des Préraphaëlites (particulièrement à celles de Burne-Jones) et le héros a les traits et l’épi du personnage d’Arthur de « Merlin l’enchanteur » de Disney.

L’album est d’ailleurs un objet hybride entre livre de contes (grandes illustrations pleine pages voire double pages comportant de longs encarts de textes et séparation en chapitres indiqués par des pages noires) et album de bande dessinées avec cases et phylactères dialogués. On remarquera un hommage à Edmond Dulac à la page 29. Cet illustrateur célèbre de livres d’étrennes de la fin du XIXe siècle qui s’inspirait des estampes japonaises et des miniatures persanes fait partie des lectures de Flora ! On pourrait presqu’y voir d’ailleurs une mise en abyme car les couleurs un peu passées du « Boiseleur », les inspirations orientales, et la finesse du trait de Gaëlle Hersent rappellent la manière de Dulac tout en inspirant un sentiment de nostalgie au lecteur. Mais la tentation serait grande alors d’assimiler « le Boiseleur » à l’un de ces beaux livres pour enfants – ce qu’il est de facto par le soin tout particulier apporté à sa réalisation comme souvent dans la collection « Métamorphoses »-.

Le Noiseleur, planche du tome 1 © Soleil / Hersent / Hubert
Un conte philosophique…
Il ne faudrait pourtant pas le réduire à cela. Comme dans « Beauté » et « Les Ogres-dieux », le conte est cruel et se mue en apologue et en dénonciation des travers de notre société. On y perçoit ainsi une critique du matérialisme et de la société de consommation. Hubert fustige délicatement notre tendance au panurgisme en montrant bien comment à la mode des oiseaux réels puis en bois succède en un laps de temps très court celle des sauriens (beurk !). Ce dernier engouement lui permettant de créer des cases délicieusement absurdes telles celle des gentes dames promenant nonchalamment leurs crocodiles en laisse et provoquant des accidents ! Il évoque également la condition de l’artiste et règle peut être ses comptes avec quelques éditeurs au passage en montrant comment un créateur peut être réduit de force à une répétition stakhanoviste des mêmes succès !

Enfin cet album célèbre vraiment l’importance de l’art et tout cela dans une langue aussi ciselée que les dessins. Cette poésie se trouvant présente dès le mot valise choisi pour titre : le « (b)oiseleur », c’est Illian le sculpteur qui tel un OISELEUR capture la beauté de l’oiseau dans sa statue de de BOIS mais c’est aussi Hubert qui par le choix et l’énumération de noms d’oiseaux aussi poétiques qu’authentiques semble nous en faire entendre le ramage tandis que Gaëlle Hersent en les reproduisant magnifiquement et scrupuleusement avec un trait haché à l’ effet quasi buriné donne l’éclat de leur plumage dans des pages et des médaillons aux couleurs vives et chatoyantes qui tranchent sur les tonalités douces et passées du reste de l’album !

Une œuvre polysémique et d’une grande beauté prévue en trois tomes qui pourront se lire indépendamment. Je vous invite vivement à découvrir d’ores et déjà le splendide « Mains d’Illian » !
Le Boiseleur, planche du tome 1 © Soleil / Hersent / Hubert
Hersent et Hubert nous livre avec le premier tome du « Boiseleur » un très bel album à mi-chemin entre livre de contes (avec de grandes illustrations parfois en pleine page et de longs encarts de textes) et bande dessinée.

Il possède le charme suranné des livres d’images d’antan avec ses personnages archétypaux et ses couleurs passées mais il est également doté d’une modernité -et même d’une causticité- de propos qui échappera aux jeunes lecteurs mais pas à leurs parents ! Il propose en effet une réflexion sur les travers de notre société tout en rendant un véritable hommage aux artistes !

Un livre à plusieurs niveaux de lecture donc qui devrait faire le bonheur des petits et des grands et mériterait de devenir un classique !


L’art d’Illian était unique. Certains tentèrent bien de l’imiter, mais nul ne parvenait à copier l’impression de vie qu’il donnait à ses oiseaux : ils semblaient sur le point de s’envoler, comme figés dans leur mouvement d’un coup de baguette magique(p.40)

bd.otaku



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