Après avoir vu Sam Gibbs, geek égoïste et asocial se sacrifier pour sauver la belle infirmière dont il était secrètement amoureux, nous retrouvons Alice Matheson en bien fâcheuse posture…
Alors que l’épidémie gagne du terrain, elle éprouve plus que jamais le besoin de donner la mort tout en s’efforçant de comprendre comment l’épidémie s’est répandue… Une sordide partie d’échec s’engage entre la trop brillante infirmière et le Docteur Skinner, chacun s’efforçant de désigner l’autre comme suspect plausible aux yeux de l’inspecteur Kitson qui tente vainement de comprendre qui se cache derrière cet effroyable virus qui ramène les morts à la vie… Si son enquête s’oriente un temps vers Skinner, les éléments troubles qu’on lui rapporte sur le sombre passé de Miss Matheson alimentent les suspicions…
Robert Kirkman et Charlie Adlard ont remis les zombis sur le devant de la scène avec leur saisissant
walking dead, entraînant dans leur sillage de nombreux scénaristes… Parmi eux, Jean-Luc Istin, secondé sur certains tomes par Stéphane Betbeder, qui signe avec
Alice Matheson un récit nerveux et entraînant qui ravira les amateurs du genre…
Difficile de ne pas percevoir des analogies entre la jeune et brillante infirmière et Dexter, le légiste serial killer né sous la plume du romancier américain Jeff Lindsay incarné à l’écran par l’impressionnant Michael C. Hall. On trouve ce même traumatisme originel induisant ce besoin irrépressible de tuer, seul acte à même de leur procurer les émotions qui leur font défaut et qu’ils sont contraints d’imiter pour vivre en société. Et, à l’instar de Dexter moralement condamnable, on finit par s’attacher à elle et à souhaiter qu’elle sorte indemne… Mais son immersion dans un contexte apocalyptique lui confère un charme indéniable et permet au scénariste de jouer avec les codes de plusieurs genres pour tisser un scénario délicieusement oppressant et, surtout, bougrement original. Chacun des personnages de la série s’avère complexe et torturé et la présence des zombis n’est que le catalyseur qui révèle leur nature profonde tout en les intègrant parfaitement dans la trame glaçante imaginée par le scénariste chevronné qu’est Jean-Luc Istin.
Phil Vandaële, qui avait signé le premier tome de la série, reprend du service pour achever ce premier cycle particulièrement enthousiasmant. D’une précision chirurgicale, son dessin soigné allie élégance et efficacité, d’autant que la mise en couleur accentue avec force l’ambiance oppressante et glaçante qui baigne la série de bout en bout. La couverture est elle aussi une petite merveille, avec notre dérangeante héroïne qui semble se résigner à se laisser happer par la horde…
Concluant la série, L'origine du mal referme les différents arcs narratifs amorcés dans les tomes précédents de main de maître tout en entre-ouvrant une porte vers un second cycle, donnant au lecteur la furieuse impression de suivre une série TV rythmé et entraînante.
En scénariste avisé, Jean-Luc Istin prend le contre-pied des récits de zombies en livrant les origines de la terrifiante épidémie dont le St Mary's Hospital est l’épicentre tout en déroulant un récit entraînant mettant en scène une infirmière glaçante et dérangeante évoquant par bien des aspects le Dexter de Jeff Lindsay…
Savamment orchestrée et superbement mise en scène par l’impressionnant Phil Vandaële, cette première saison d’Alice Matheson s’achève de façon particulièrement convaincante et abandonne le lecteur à cette délicieuse frustration qui est la marque des grandes séries… C’est peu dire que nous attendons la seconde saison avec une impatience fébrile !
Je ne connais qu’une façon de ressentir. C’est de plonger dans le regard d’un être qui s’éteint, de contempler sa peur. Pourquoi cet instant est-il le seul qui me fasse éprouver quelque chose ?Alice Matheson