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Okuribi
Okuribi



Fiche descriptive

Littérature Générale

Hiroki Takahashi

Belfond

1 octobre 2020


20€

9782714486455

Chronique

Au début, Ayumu a cru à des jeux innocents. Des moqueries, des mises au défi, des vols de babioles dans les magasins. D'autant que, pour lui, l'étranger venu de la grande ville, c'était un bon moyen de s'intégrer parmi ses nouveaux camarades dans ce petit lycée de province.

Et puis Ayumu a commencé à remarquer. Les humiliations, les punitions, les coups, tous dirigés vers le doux Minoru.

Alors Ayumu s'est interrogé : que faire ? Intervenir ? Fermer les yeux ? Risquer de se mettre les autres à dos ? Ne rien faire ?

Et l'Okuribi est arrivé, la fête des Morts. Et tout a basculé...
un bon bouquin !


Les désarrois de l'élève Ayuumu
Ayumu, quinze ans, doit régulièrement déménager au gré des mutations de son père. A chaque fois, il doit s’adapter à un nouveau logement, à une nouvelle école et s’y faire des amis. Pour sa dernière année de collège, sa famille quitte Tokyo et s’installe à Hiragawa une région rurale beaucoup plus au Nord. C’est une tradition dans l’entreprise ou officie le père : avant d’obtenir une belle affectation on doit passer par quelques années de purgatoire. L’enfant citadin découvre alors la campagne, des coutumes et des croyances ancestrales inconnues et globalement inquiétantes ainsi que le collège d’une toute petite ville de province et les façons rustiques de ses nouveaux condisciples. Le lecteur avec lui puisque tout le roman est en focalisation interne. L’adolescent qui n’a jamais eu de mal à s’intégrer dans de nouveaux groupes se retrouve dans une classe de douze élèves seulement d’un établissement qui fermera l’année suivante faute d’effectifs suffisants. Et si dans les grandes cités scolaires tokyoïtes, il est facile d’éviter les fauteurs de trouble c’est bien plus délicat quand la classe ne compte que cinq autres garçons ! Dès lors Ayumu ne peut que sympathiser avec la bande des collégiens de 3eme année menée par Akira qui a déjà été sanctionné l’année précédente pour ses accès de violence. Ceux-ci passent le plus clair de leur temps après les cours à se livrer à des jeux bizarres et cruels et Akira, qui se sert d’un paquet de cartes hanafuda pour choisir celui qui devra relever le défi, se débrouille toujours pour que le timide Minoru soit désigné par le sort … Ayumu a déjà été confronté à la violence spontanée et fugitive dans les établissements qu’il a fréquentés auparavant mais n’a jamais assisté à des brimades systématiques et organisées. Devant ce harcèlement, va -t-il persister à vouloir s’intégrer ou bien s’indignera-t-il ?

“Okuribi Renvoyer les morts” deuxième roman de l’auteur Hiroki Takahashi est le premier à être traduit en français (par Miyako Slocombe). Il a obtenu le prix Akutagawa qui récompense des nouvelles ou des romans courts d’auteurs débutants. Et c’est bien entre le roman et la nouvelle qu’il se situe, les anglosaxons le qualifieraient même de novella…

Un roman du harcèlement
Le « Ijime » ou « intimidation » est devenu un sujet privilégié de la littérature japonaise. On pensera ainsi à « Heaven » de Mieko Kawakami (paru chez Actes sud en 2016) mais, contrairement à ce dernier roman où le narrateur, nouvel élève au strabisme marqué, se fait harceler par sa classe toute entière, « Okuribi » va à rebours des scénarios classiques. Ici Ayumu, le nouveau dans la région, celui-ci qu’un ancien élève du collège surnomme « le relégué » dans l’incipit, ne sera pas la victime docile que l’on attend. C’est un observateur un peu philosophe qui par ses questionnements va forcer le lecteur à s’interroger sur l'existence du bien, du mal, sur le rapport des forts contre les faibles, la banalité et le non-sens du mal et de la violence, les victimes et les bourreaux, etc…

Takahashi montre que le manichéisme n’a pas lieu d’être : Akira est à la fois bourreau et victime, Minoru semble atteint d’un certain syndrome de Stockholm puisqu’il accepte toutes les brimades avec un demi-sourire et prend parti in fine pour son bourreau tandis qu’Ayumu observe, mais désireux de s’intégrer, n’agit pas. Il y a une sorte de fascination des uns pour les autres, un peu d’homo-érotisme aussi (certaines pages aux bains publics semblent sorties d’une œuvre de Mishima). Moins qu’un roman d’éducation, c’est un roman d’initiation. Les adultes sont étonnamment absents comme s’ils évoluaient dans un monde parallèle. Les professeurs ne s’immiscent pas. Le narrateur quitte la candeur de l’enfance et atteint l’adolescence. Cette mue difficile est symbolisée par celle de l’insecte qui meurt avant même d’avoir réussi à s’extirper de son cocon et qui fascine les garçons.

Portrait d’une société mortifère
Cette transformation a lieu entre le mois d’avril (rentrée au japon) et le 15 août, le jour d’ « Obon », la fête des morts. Elle est donc accompagnée de celle de la nature. D’ailleurs, les superbes descriptions des cerisiers en fleur, des rizières verdoyantes et des paysages montagneux vus par les yeux du narrateur permettent une respiration au milieu de la tension croissante des jeux dangereux des collégiens tout en faisant ressortir encore plus brutalement cette violence adolescente et peut-être même la violence institutionnalisée de la société japonaise toute entière. Les brimades juvéniles éclairent en effet d’un jour nouveau la mutation forcée du père (on doit aussi « en baver » pour grandir au sein de l’entreprise) ou le silence des professeurs … Finalement Takahashi, qui ne tombe jamais dans le pathos, dénonce la responsabilité de chacun et pointe du doigt le poids des traditions : l’acmé de la violence se produisant un jour de festival. Il montre également ce que découvre Ayumu c’est la complexité de l’homme et du monde, le côté doux-amer des choses, la beauté et la cruauté de la vie.

C’est un petit roman en pagination mais il est bien plus grand dans tous les échos qu’il provoque ; dans un style simple et dépouillé il donne à voir la beauté de la Nature et les abysses de la psyché humaine.

Dans ce court roman, presqu’une novella, Hirokui Takahashi narre l’arrivée d’un jeune collégien tokyoïte dans un établissement de province en déclin. Il va être non pas la victime mais le témoin d’un harcèlement qui finira en tragédie. A travers le personnage d’Ayumu, dans une langue ciselée et économe magnifiquement rendue par la traduction de Miyako Slocombe, le romancier prend à parti le lecteur : que faire : S’indigner ou s’intégrer ? s’il ne se pose jamais en moralisateur il apporte des explications pour démonter les mécanismes de l’hijime en milieu scolaire et bien au-delà…
Un roman percutant et marquant dans la noirceur se trouve éclairée par des descriptions magnifiques de la Nature puis que ce drame a pour cadre la province natale de l’auteur.


Même sur ces terres, il était parvenu à s'acclimater, à s'assimiler à sa classe et à s'intégrer dans un petit groupe. Il avait même obtenu le poste de vice-délégué. Comment avait-il atterri dans ce chaos ?

bd.otaku



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