Haut de page.

Karmen
Karmen



Fiche descriptive

Fantastique

Guillem March

Guillem March

Tony López,Guillem March

Dupuis

Grand Public

07 Février 2020


23€

9791034733514

Chronique

Il arrive qu'on se suicide sur un malentendu. C'est l'heure du rapport : un "code rouge" pour Karmen. À Palma de Majorque, la jeune femme avec ses cheveux roses et ses taches de rousseur, habillée d'une combinaison noire de squelette pénètre dans l'appartement d'une coloc étudiante.

Elle se rend tout droit à la salle de bain où Catalina s'est taillé les veines. Dans l'instant suspendu entre la vie et la mort, l'introspection commence pour la jeune fille et son chagrin d'amour, emportée dans une narration fantastique qui jongle en mises à distances et dimensions parallèles.
un bon album !


La vie est belle !
Karmen, planche de l'album © Dupuis / March / LópezCatalina, un jour de déception amoureuse, se tranche les veines dans sa baignoire. Elle voit alors débarquer Karmen, qui descend ici-bas pour accompagner les âmes dont elle a la charge et les accompagner vers la réincarnation. «Cata», comme tous la surnomment, a été catégorisée « code rouge » : c’est une âme perdue. Elle n’a tué personne, n’a pas non plus volé ou commis d’autres crimes. Non, elle n’a juste pas vécu, pas profité de la vie et pas osé aimer … Mais Karmen n’est pas une simple enregistreuse des desseins de ceux de là-haut. Elle souhaite accorder un peu de temps à Catalina pour mener une introspection et comprendre ses erreurs …


Une mise en page pop
« Karmen » reprend le thème d’« Essence » de Benjamin Flao : un ange vient accompagner une âme pendant les quelques secondes qui séparent de vie à trépas. Si la vraie héroïne de l’album est Catalina, Guillem March a souhaité insister sur le côté ésotérique de l’aventure en faisant de l’ange l’héroïne éponyme de son album et en la mettant en avant sur une couverture d’un rouge claquant : rouge comme le sang qui s’écoule de la jeune suicidée, rouge comme le code, rouge comme la passion aussi. Karmen (avec un K comme Karma) est présentée dans une étonnante pose de contrition : elle ne regarde pas le lecteur et a la tête baissée comme prise en faute. Sa chevelure rose et sa combinaison de squelette donnent l’impression qu’elle porte un déguisement d’Halloween. Le rose adoucit la violence de la couleur du fond et donne du peps. Cette couverture attire l’œil. Karmen, planche de l'album © Dupuis / March / LópezOn ne sait pas trop vers quelle histoire nous allons être embarqués d’autant que la quatrième de couverture est énigmatique : elle ne montre que l’héroïne en plein vol, sur trois vignettes, entourée d’autres gens. On a donc envie d’en savoir davantage.
La mise en page est tout aussi détonante et surprenante : styles et format des cases varient. Il y a des pleines pages et même des doubles pages qui s’affranchissent du gaufrier. Les fonds ne respectent pas la tradition non plus : ils sont souvent en couleurs. La première page est très intrigante et ressemble à un tableau de Pollock passé sous le pinceau pop d’Andy Warhol ! Elle est reprise à la 4eme. Seul le récitatif change et l’on comprend qu’on a affaire à une sorte de prologue.


Une œuvre entre poésie et dynamisme
Le prologue met en place des flashbacks qui seront explicités par la suite. La juxtaposition et l’ellipse pourraient perdre le lecteur mais l’on comprend qu’à chaque fois ces épisodes concernent Catalina et son ami d’enfance Xisco. L’arrivée de Karmen et son rôle sont très bien expliqués également par le raccourci : on voit Catalina assise à discuter sur les toilettes de la salle de bains et quand elle sort en compagnie de Karmen, son corps inanimé est dans la baignoire rouge de sang. Au départ, l’histoire peut paraître étrange par ce mélange des genres : l’auteur hésite entre une chronique amoureuse et une histoire fantastique. L’album est volumineux (160p) et séparé en 4 chapitres de longueur très inégale ; C’est d’ailleurs le reproche principal que je lui ferai : un déséquilibre dans la composition. La promenade à Majorque de Catalina et Karmen est trop longue et pas assez rythmée. Karmen, planche de l'album © Dupuis / March / LópezOn a l’impression que March se fait un « trip » de dessinateur au détriment de l’histoire. Les trois autres chapitres : ceux de l’introspection, de la rencontre des autres, de la résolution du quiproquo amoureux et de la confrontation de Karmen et des fonctionnaires de l’au-delà paraissent, au contraire, trop courts pour brasser tant de thèmes.
Certains dialogues sonnent un peu creux aussi mais l’album a cependant un atout indéniable et de taille : son dessin !

Les couleurs sont plutôt pastel. Ce qui surprend vu le thème. Les décors sont particulièrement soignés et réalistes et permettent d’accorder plus de crédibilité à cette histoire fantastique. Certaines planches deviennent abstraites. Il y a de très beaux effets de transparence et de superposition. March rend un vibrant hommage à sa ville natale : on voit Palma de Majorque sous tous les angles … et l’héroïne aussi. L’auteur réussit l’exploit de ne pas tomber dans la grivoiserie alors que Catalina se promène nue tout le temps. Les prises de vue et les perspectives alors qu’elle vole accompagnée de son ange gardien au-dessus de la ville sont très inventives.
March a travaillé pour les comics et ça se voit dans sa façon d’accélérer ou au contraire de ralentir le mouvement. Il mêle poésie et dynamisme. Il aurait été impossible de publier ce roman graphique en noir et blanc tant la couleur (en collaboration avec Tony Lopez) est importante pour le ressenti du lecteur. Les fonds multicolores permettent d’isoler les séquences « fantastiques » tandis que le fond blanc ramène les lecteurs dans la réalité. Les couleurs joyeuses permettent également de donner une tonalité optimiste voire « feel good » à l’ensemble.

Portrait d’une génération perdue
Je ne suis pas particulièrement fan du personnage de Karmen. Son côté frondeur, iconoclaste est un peu trop appuyé dans ses dialogues et ses attitudes à la limite du scatologique parfois. L’ange de Wim Wenders dans « les ailes du désir » avait bien plus de classe ! Karmen, planche de l'album © Dupuis / March / LópezMais en revanche j’ai bien aimé la description de Catalina. Sa présentation est assez subtile : elle apparaît réservée, inhibée et malheureuse et égocentrique…plutôt antipathique au fond. Karmen la « débloque » lors de leur vol au-dessus de la ville : elle s’émancipe en s’affranchissant par son invisibilité du regard des autres et en devient plus légère au propre comme au figuré ! Mine de rien l’auteur en dit beaucoup sur une jeunesse qui vit une situation précaire (Cata habite en colocation par défaut car elle « ne trouve que des contrats de merde »), sur la désocialisation, la dépression, la difficile mutation vers l’âge adulte et le besoin d’être à l’écoute les uns des autres.

C’est donc une œuvre un peu brouillonne, qui aurait gagné à être élaguée ( tandis que son carnet graphique aurait lui tout intérêt à être plus fourni : 3 pages c’est mince !) mais qui fait preuve de beaucoup d’inventivité surtout au niveau du graphisme. On espère que ce coup d’essai se transformera en coup de maître au prochain album. En tous cas, le potentiel est là !


Karmen, planche de l'album © Dupuis / March / López« Karmen » reprend le thème d’ « Essence » de Benjamin Flao : un ange vient accompagner une âme dans les quelques secondes qui séparent de vie à trépas. Karmen, avec un « K » comme karma est mandatée par ceux d’en haut pour mener Catalina qui vient de se suicider à sa nouvelle incarnation. Mais si ces quelques instants étaient l’occasion pour revisiter à la fois la ville de Majorque et le passé de la jeune fille et l’aider à mieux comprendre les autres et les faux-semblants de l’existence ?

Dans une mise en page pop aux couleurs chatoyantes, l’auteur majorquin Guillem March nous livre une œuvre entre poésie et dynamisme. Habitué à dessiner des comics et également à illustrer des pages du magazine « Playboy », il a un sens inné du mouvement … et de l’anatomie féminine ! Loin de tout voyeurisme cependant, il nous emmène dans une promenade échevelée où la jeune femme dans le plus simple appareil se livre aux joies du vol plané en compagnie de son ange gardien au-dessus de l’île de Majorque qui est ainsi magnifiquement célébrée. Catalina redécouvre sa ville mais surtout sa vie et pourra peut-être ainsi changer son destin. A travers cet album en forme de conte, March dresse également le portrait d’une génération perdue vivant dans la précarité de petits boulots et ne pouvant se projeter dans un réel avenir…

Cet album n’est pas sans défauts (une composition bancale, un personnage parfois caricatural) mais révèle un dessinateur et coloriste hors pair au fort potentiel.


- Ce n’est pas que j’aime la solitude. Je ne suis pas à l’aise avec les gens. Chaque fois que je suis arrivée à ce que quelqu’un me connaisse vraiment, il a fini par me décevoir.
Et je me renferme toujours un peu plus.
La meilleure façon que j’ai trouvée de n’être déçue par personne c’est de ne rien attendre de personne.
Je sais que c’est comme se soigner avant d’être blessée mais je m’en fiche.

- Mais les gens c’est le sel de la vie. Vivre c’est interagir avec les autres et ta propre existence n’a de sens que dans la mesure où tu fais partie de l’existence des autres.Catalina et Karmen p. 56


#NetgalleyFrance #Karmen
bd.otaku



Inspiration jeux de rôle

Cette fiche n' est référencée comme inspi pour aucun jeux de rôle.