XIXe siècle, jungle africaine. Dans une cabane de fortune construite dans les arbres à l’abris des prédateurs, le chef d’une tribu de grand singe tue un homme tandis qu’une femelle s’empare de son bébé… Elevé par Kala, l’enfant grandira en force et en agilité… Des années plus tard, le jeune homme pénétrera par hasard dans la cabane où vécurent ses parents… Les livres qu’il va trouver vont le fasciner et lui faire comprendre qu’il ressemble davantage aux hommes représentés dans leurs pages qu’aux singes qui l’ont élevé… Doté d’une vive intelligence, il va grâce aux livres apprendre quelques rudiments d’anglais…

Le temps passe encore et une expédition scientifique vient dans cette jungle hostile et reculée dans l’espoir d’y découvrir le chaînon manquant entre les grands singes et l’homme… Parmi eux, Jane Porter, fille d’un savant américain, qui allait envoûter Tarzan, devenu depuis le seigneur de la jungle…

Tarzan fait partie de ces figures iconiques dont le cinéma et la bande-dessinée se sont emparés pour en faire un mythe… La source : le troisième roman de Edgar Rice Burroughs initialement publié dans les pages de All-Story Magazine en 1912…

Sans doute fasciné par le personnage depuis son enfance, Christophe Bec revient aux origines du mythe en redonnant au récit sa violence et sa noirceur originelle… Si l’album colle à l’esprit des origines, il n’en reste pas moins librement inspiré du roman. Malgré une pagination généreuse, le scénariste a dû procéder à d’inévitables coupes pour resserrer son intrigue tout en intégrant, parfois avec malice, des éléments tirés d’adaptations emblématiques, telle celle tirée de Tarzan and his mate (avec un certain Johnny Weissmuller dans le rôle-titre) où l’on entrevoit la silhouette sensuelle de Jane (incarnée par Maureen O’Sullivan) se déshabillant dans sa tente ou cette célèbre scène de ballet aquatique tirée du même film et coupée au montage car tombant sous le coup du code de censure Hays qui sévissait dans l’Amérique puritaine des années 30… Ce faisant, le récit s’avère particulièrement immersif et entraînant.

Christophe Bec atténue un peu l’esprit colonialiste de l’époque en prêtant à ses personnages des discours plus contemporains. Mais ces idées rétrogrades et datées s’incarnent néanmoins dans l’un des personnages de l’expédition qui apparait comme particulièrement odieux et antipathique. Ce pas de côté permet tout à la fois de retranscrire l’esprit d’une époque tout en apportant au récit une salutaire touche de modernité.

Nous avions découvert le travail de Stevan Subic dans le M.O.R.I.A.R.T.Y. de Jean-Pierre Pécau et Fred Duval… Et force est de reconnaître que son trait réaliste fait merveille pour mettre en image cette saisissante adaptation du livre d’Edgar Rice Burroughs…Son découpage donne la mesure de la jungle luxuriante et hostile qui sert de cadre au récit et son dessin joue avec art sur les contrastes, distillant avec une redoutable efficacité une atmosphère sauvage et oppressante, renforcée par la colorisation impeccable de Facio… Les planches muettes ouvrant l’album montrent le talent de metteur en scène du dessinateur Serbe avec qui Christophe Bec signera prochainement le très attendu Xuthal la Crépusculaire, nouvel opus de la jubilatoire série Conan le Cimmérien…

Avec ce Tarzan, Seigneur de la Jungle, Christophe Bec et Stevan Subic renouent avec la violence et la noirceur originelle du chef d’œuvre d’Edgar Rice Burroughs…

Avec cette adaptation tout à la fois libre et fidèle à l’esprit du roman, le scénariste fait montre de sa fascination pour ce personnage popularisé par les nombreuses adaptations cinématographiques comme par les comics book qui ont révélé le talent de nombreux dessinateurs… Les compositions du dessinateur Serbe immergent le lecteur dans une jungle hostile et luxuriante, soulignant avec force la sauvagerie et l’animalité du héros…

L’album parlera sans nuls doute à l’enfant qui sommeille en tout un chacun et qui ont découvert Tarzan grâce aux crayons de Manning, Russ ou sous les traits de Johnny Weissmuller ou de Christophe Lambert (Greystoke restant à notre avis la meilleure adaptation sur grand écran du bouquin !)…