1874. Les grandes puissances européennes se lancent dans l’éther pour coloniser de nouvelles planètes et étendre leur domination. Après Mars, c’est la planète Vénus, monde sauvage recouvert de brumes et d’océans déchaînés, qui semble revêtir une importance stratégique et financière…

La célèbre actrice Hélène Martin embarque pour tenter de délivrer Aurélien, son amant, un poète qui croupi dans une colonie pénitentiaire de Vénus… Mais, avant même qu’elle débarque, ce dernier avait joué la fille de l’air et tente de gagner la colonie anglaise avec ses compagnons d’évasion… Courtisée par le cynique et inquiétant Duc de Chauvigny qui s’est épris d’elle, elle va traverser les jungles hostiles infestée de terrifiants sauriens pour retrouver son amour…

Scénarisé par Alain Ayroles, l’inénarrable auteur des enthousiasmantes et jubilatoires séries De Capes et de Crocs, Garulfo, D ou des Indes Fourbes, et mise en image par le talentueux Étienne Jung, les Chimères de Vénus s’inscrit dans l’univers foisonnant et poétique du Château des Etoiles, série née sous la plume élégante et les pinceaux envoûtant de l’impressionnant Alex Alice… Les lecteurs les plus attentifs auront d’ailleurs pu déceler dans la série-mère quelques discrètes allusions à la planète Vénus qui va servir de cadre à ce spin-off prometteur…

Evoquant celles des romans de Jules Verne publiés par Pierre-Jules Hetzel, la couverture de l’album est de toute beauté, la maquette soignée et un usage subtil du vernis sélectif mettent en valeur les somptueuses illustrations d’Étienne Jung qui sont une véritable invitation à cette aventure exotique…

En conteur émérite, Alain Ayroles tisse deux récits parallèles, romantiques et romanesques, prenant pour cadre une planète qui n’est pas sans évoquer le Monde Perdu, roman d’aventure fantastique de Sir Arthur Conan. On y retrouve bien évidemment l’esprit aventureux mais aussi les relents d’impérialisme qui imprègne le roman du père de Sherlock Holmes… Par sa muflerie, son arrogance et sa vanité, le duc de Chouvigny n’est d’ailleurs pas sans évoquer l’irascible professeur Challenger du roman de Doyle…

S’inscrivant dans cette veine délicieusement feuilletonesque qui fait le charme du Château des Etoiles, le scénario d’Alain Ayroles est porté par des personnages hauts en couleur et des dialogues ciselés et percutants dont lui seul a le secret… Il transpose avec inventivité le complexe contexte géopolitique de l’époque et fait montre d’une inventivité débridée, truffant son récit d’inventions aux accents steampunk qui donne une coloration unique à cette aventure d’etherite-punk…

Il fallait pour donner corps à cette aventure tout le talent d’Étienne Jung… Le dessinateur de Gargouilles et de Brüssli fait une nouvelle fois montre d’une inventivité graphique saisissante. Plein d’audace et de créativité, son découpage s’avère à la fois élégant, original et fluide tout en soutenant le propos de façon singulière… Chacune de ses cases nous en met plein les mirettes et, à l’instar de François et Romain, le lecteur ne peut qu’être émerveillé par ses visuels de Vénus, d’autant que sa délicate mise en couleur est tout juste somptueuse…

Alain Ayroles et Étienne Jung nous invitent dans l’univers foisonnant du Château des Etoiles pour un spin-off qui s’inscrit dans cette veine délicieusement feuilletonnesque qui fait le charme de la série-mère.

Alors que, sur la planète Mars, Séraphin, Sophie et Hans tentent d’échapper aux manigances de Bismarck, les Chimères de Vénus nous entraînent sur Vénus, à la suite d’Hélène Martin, actrice aventurière et amoureuse venue en ces terres hostiles pour retrouver son amant prisonnier…

On retrouve avec une joie non feinte les talents de conteur et de dialoguiste d’Alain Ayroles ainsi que le trait élégant et généreux et les couleurs chatoyantes d’un Étienne Jung très inspiré… Que dire, sinon que nous attendons la suite de ce récit aventure avec une certaine fébrilité !

- Ah ! Non de Dieu ! Mais… ! Vous, la bonne, raisonnez-là !
- La raisonner ? On dirait que nous avez pas encore compris à qui vous aviez affaire ! Mon Hélène est amoureuse… Rien ne l’arrêtera.
- Tout ceci est ridicule ! En vertu des lois naturelles, c’est à un homme qu’incombe…
- On est sur Vénus… La planète des bonnes-femmes… Ici, c’est pas vous qui faites la loi !truculent dialogue entre le Duc de Chauvigny et Prudence