Fiche descriptive Roman Graphique Eric Corbeyran (d'après le roman de Carl Aderhold) Alexis Saint-Georges Alexis Saint-Georges Jungle 20 janvier 2022 18€95
9782822230476 Chronique Mort aux cons Vaste programme ! (de TV réalité ?) |
Trop épuisé pour se donner les moyens de reprendre sa vie en main, Ben passe ses nuits à s’abrutir devant la télé, oscillant entre exaspération et lassitude et se lève au radar chaque matin pour aller travailler… Une nuit, sans réfléchir, alors qu’il végétait devant une émission d’un voyeurisme navrant, il balance par-dessus le balcon le chat de la voisine qui, sans raisons apparentes, venait de le griffer… Se rendant compte que la mort tragique du félin recréé du lien social au cœur de l’immeuble, il se met à trucider les animaux du voisinage afin de transformer en profondeur les habitants du quartier… Mais un jour, alors que la concierge projetait de dénoncer un ancien légionnaire devenu sdf de la disparition des chats et chiens du quartier, il la pousse violement et la tue, faisant le constat qu’en définitive, ça n’était pas les animaux le problème, mais leurs maîtres… Ben se lance alors dans une grande croisade contre les cons et va apprendre à les repérer pour mettre un terme à leur pouvoir de nuisance… Reste à trouver des critères incontestables de la connerie pour ne pas commettre d’impairs et trucider des innocents… Quand le Créateur de Dupontel rencontre le Couperet de Gavras Oscillant entre constat lucide et la dérangeante mise en pratique de théories fumeuses, l’album, est indéniablement déjanté et truculent. Ben, personnage principal et narrateur de l’histoire est en quelque sorte le fils caché du Darius du Créateur d’Albert Dupontel et de Bruno Davert, le cadre supérieur du Couperet, conte social amoral de Costa-Gavras.Mais si on peut percevoir une certaine filiation, une chose distingue Ben de Darius ou de Bruno : c’est que ses actes sont dictés par l’altruisme et pas directement par son intérêt propre. Souhaitant sortir la société de sa gangrène crasse dans laquelle elle végète, il décide de prendre le mal à la racine et de trucider les cons qui ont le malheur de se trouver sur son chemin… Commençant sa croisade en tuant les cons de proximité, il va se faire plus ambitieux et s’attaquer aux petits chefs puis aux cons plus médiatiques et, les victimes n’ayant de prime abord aucun rapport entre elles, il va poursuive ses crimes, en toute impunité… Parmi la formidable galerie des cons qu’il va croiser, chacun reconnaîtra aisément l’un ou l’autre qu’il a pu rencontrer dans notre vie et, sans avoir nécessairement été pris d’une envie de meurtre, l’idée que le monde serait meilleur sans ce con en particulier a pu, peut-être, nous effleurer. Reste que pour les identifier, Ben va devoir prendre le temps d’étudier des spécimens afin de dégager des éléments caractéristiques commune aux cons… Et le mordant du récit réside surtout dans la façon dont il va peu à peu affiner sa théorie afin de dégager une définition générale du con… Mais, comme bien souvent, un grain de sable va venir se glisser dans cette belle théorie et ébranler les certitudes de notre penseur amoral… Adapté du roman de Carl Aderhold par un Eric Corbeyran très inspiré, le scénario est remarquablement mis en image par le talentueux Alexis Saint-Georges, distingué comme Jeune Talent avec 19 de ses pairs lors de l’édition 2018 du Festival d’Angoulême. Il y a quelque chose de réellement fascinant dans son approche graphique, tantôt très réaliste, tantôt expressionniste et tantôt délicieusement théâtrale, voire franchement caricaturale. Apportant une touche de fraîcheur à un récit qui, en d’autres mains, auraient pu être trop sombre, son dessin épouse parfaitement le ton résolument décalé et l’humour noir de ce récit mordant et iconoclaste. Les talentueux Eric Corbeyran et Alexis Saint-Georges s’emparent du roman caustique de Carl Aderhold pour en signer une savoureuse adaptation. Il parvient à en retranscrire l’humour noir, décalé et grinçant qui le baigne de la première à la dernière page avec d’autant plus d’efficacité que l’album est mis en image par un dessinateur talentueux dont le style se modifie subtilement au grès des séquences à mettre en scène… On y suit Ben, un jeune homme oscillant entre apathie et exaspération et qui va se lancer dans une croisade contre les cons qui pourrissent le quotidien de tout un chacun. Après s’être fait la main sur des animaux, il va s’attaquer à l’humain et se servir de sa solide expérience pour peaufiner une définition irréfutable du con. Evoquant le Créateur de Dupontel comme le Couperet de Costa Gavras, en dressant un portrait lucide et ironique de notre société, ce conte amoral s’avère aussi jubilatoire que profondément dérangeant… Car si on ne peut adhérer aux moyens mis en œuvre par le héros meurtrier, on ne peut que partager son agacement contre la connerie en général et les cons en particulier... Reste un problème : comment cerner exactement ce qu'est un con ? C'est impossible ! J'en ai bien une toute petite idée, comme tout le monde... Mais cela dépend trop de mon degré de patience, qui peut varier d'un jour à l'autre. Trop aléatoire ! Trop subjectif ! Il me faut une définition précise et générale... Qu'est-ce que la connerie ? Tout ! Qu'a-t-elle été jusqu'à présent dans la théorie philosophique ? Rien !Ben
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