Hiver 1899. Après avoir le succès de sa petite entreprise à Béniguet, Yves Kerléo, ancien gardien de phare, a décidé de s’installer sur l’Île de Quéménès pour continuer à exploiter le goémon, l’Or des Marées, avec lequel on fabrique les précieux pain de soude… Mais, bien qu’éloigné d’à peine neuf kilomètres des côtes, les conditions climatiques extrêmes isolent l’île et les travailleurs alors que les moyens désuets de collecte font prendre des risques inconsidérés à Yves et à ses hommes et leur moral est en berne…

Tandis que l’Affaire Dreyfus déchire la France et les familles, certains signes font douter Yves de la fidélité de son épouse, Anne. De son côté, Eugène accepte difficilement qu’Yves songe à accepter l’offre de Devernois, son concurrent direct, qui lui offrirait de nouveaux débouchés… Mais Yves sait bien que lorsque Félix, le fils d’Eugène, héritera de son père, c’en sera finit de sa petite entreprise au vu de la haine que ce dernier lui voue…

Francois Debois et Serge Fino poursuivent leur remarquable adaptation du Pain de la Mer, roman naturaliste signé Joël Raguénès.

Le scénariste parvient à retranscrire l’humanité de chacun de ces personnages et les liens complexes les unissant : amour, amitiés, relations d’affaires, mais aussi haine viscérale… Si chacun des personnages s’avère aussi touchant, c’est qu’il s’inscrit dans un contexte géographique et social remarquablement bien retranscrit : de l’océan source de profits et de dangers à l’Affaire Dreyfus dont on ressent les remous jusqu’en Bretagne en passant par la description d’un monde en pleine mutation avec l’avènement de l’industrie qui allait bouleverser l’économie et la vie quotidienne de tout un chacun.

Le dessin sensible et délicat de Serge Fino nous donne à voir autant qu’à ressentir la Bretagne. Son travail sur la lumière est tout juste bluffant, avec ce ciel et l’océan qu’il peint avec art avec ces météos changeantes. Ses pinceaux parviennent à capturer et à retranscrire les multiples émotions ressenties par chacun de ces personnages attachants, malgré ou à causes de leurs fêlures et de leurs zones d’ombres. Mais c’est bien leur part lumineuse et leur humanité qui rend le récit si prenant…

Francois Debois et Serge Fino poursuivent leur adaptation de cette saga familiale et maritime qui nous entraîne au crépuscule du XIXe siècle et met en lumière l’un de ces métiers méconnus et aujourd’hui disparu.

Dépeignant avec finesse la complexité d’une époque en pleine mutation et les remous de l’Affaire Dreyfus, l’Or des Marées s’achemine doucement vers sa conclusion. Drames et bonheurs se succèdent au rythme des marées, des réussites et des revers de fortunes.

La dernière scène de l’album laisse augurer un avenir sombre pour Yvan, sa famille et sa petite entreprise. Le calme enfin revenu n’était-il que celui qui précède la tempête ? Suite et fin dans le dernier tome de cette fresque naturaliste…

Si seulement il n’avait pas pris la mer, hier. C’était pas un temps à naviguer. Allez savoir ce qui lui est passé par la tête, hein M’dame Anne ? C’est comme s’il fuyait le diable.Pierre