Fiche descriptive Histoire 1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta Tome 1 Xavier Dorison Thimothée Montaigne Clara Tessier Glénat 16 novembre 2022 35€
9782344045107 Chroniques |
Avec sa somptueuse maquette rehaussée d’enluminures dorées en relief et son illustration fascinante font que l’album est de ceux qui attire immanquablement l’œil du chaland… Difficile dès lors de ne pas être pris par l’envie de feuilleter ce petit bijou d’orfèvrerie graphique, d’autant que les auteurs, Xavier Dorison et Thimothée Montaigne, font partie de ces scénaristes et de ces dessinateurs dont on guette les sorties avec impatience… Les planches de l’album sont quant à elle tout juste somptueuses, mêlant avec habilité réalisme et esprit romanesque et aventureux de façon particulièrement envoûtantes… On se laisse entraîner par la narration comme le Jakarta est balloté par les vagues scélérates… Pour tisser ce récit maritime âpre et cruel, Xavier Dorison s’est inspiré du tragique destin du Batavia, retourschip de trois mâts affrétés par la puissante Compagnie des Indes Orientales dont on sait qu’il fera naufrage dans la nuit du 3 au 4 juin 1629. Mais, si l’échouage du navire sur les récifs bordant les Abrolhos au large de l’Australie est une catastrophe maritime d’envergure, ce qui suivit fut bien pire encore… Ce premier tome s’intéresse à l’armement du navire et à sa première et dernière traversée. L’éclectique scénariste du Troisième Testament du Château des animaux ou de Undertaker renoue avec les récits maritimes qu’il avait abordé avec son fascinant Long John Silver, suite apocryphe de l’Île aux Trésor porté par le trait puissant et acéré de Mathieu Lauffray. Mais c’est dans un registre historique qu’il officie cette fois, parvenant à retranscrire avec force l’âpreté de la vie à bord d’un navire de la V.O.C…. Car, à cette époque, les navires étaient de véritable petite ville flottante. un réit d’aventure maritime oppressant et glaçant Armé de 30 canons, le Batavia, rebaptisé Jakarta comme le fut la cité éponyme, comptait 600 tonneaux et 300 âmes à bord… Et, alors que marins, artilleurs et soldats s’entassaient dans l’entrepont putride, les passagers de la haute société étaient eux logés avec l’état-major dans le château arrière, non loin de coffres emplis d’or et de bijoux, de quoi faire tourner les têtes et attiser bien des convoitises… Pour couronner le tout, le capitaine, Ariaen Jacobsz, vieux loup de mer rustre et cruel, et Francesco Pelsaert, subrécargue du Jakarta, se détestaient cordialement et leur relation n’ont fait que se détériorer au fil de la traversée. Et c’est dans cette brèche que va s’engouffrer le charismatique et inquiétant Jeronimus Cornelisz, apothicaire aillant fait faillite, pour souffler sur les braises et pousser le capitaine à préparer une mutinerie… Au centre de ces intrigues, Lucretia Jansdochter qui a pris place à bord pour rejoindre son époux, Hans Meynertsz à Jakarta… Conduit de main de maître, ce huis clos maritime s’avère aussi fascinant qu’édifiant… D’autant que l’on sait que le pire est à venir, avec cette poignée de naufragé qui, sous la houlette de Cornelisz qui a tous les attributs du psychopathe, vont laisser libre court à leurs plus bas instincts…le fascinant travail d’un dessinateur au sommet de son art J’ai toujours été fasciné par le formidable travail de Thimothée Montaigne, de son Cinquième Evangile en passant par Julius, spin-off du Troisième Testament, ou sa reprise du Prince de la Nuit. Mais 1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta est incontestablement sa Grande Œuvre. Tout à la fois dynamiques et somptueuses, ses planches immergent le lecteur au cœur d’un XVIIe siècle cruel, âpre et rugueux. Le dessinateur est parvenu à composer un décor ancré dans l’histoire tout en faisant souffler un vent romanesque et aventureux sur l’ensemble. En lisant l’album, on songe au remarquable travail d’Alex Alice sur le Troisième Testament mais aussi au à l’énergie qui se dégage des planches de Matthieu Lauffray dans son Long John Silver. Avec minutie, il reconstitue l’atmosphère de la vie à bord, avec un sens du détail confondant : de la promiscuité au gouffre qui sépare les notables des autres, le tout renforcé par des cadrages virtuoses absolument fascinants. Le découpage est lui aussi de haute tenue, servant au mieux l’action et renforçant avec art la dramaturgie, guidant l’œil du lecteur avec une aisance confondante. Le travail sur la lumière s’avère être lui aussi sublime, jouant avec les contres jours et posant des masses sombres qui structurent les cases et contribue à poser cette atmosphère oppressante qui va crescendo alors que le Jakarta et ses passagers font voile vers leur tragique destin… Rehaussé par les sublimes couleurs de Clara Tessier, qui fait une entrée remarquée dans le neuvième art, le trait énergique de Thimothée Montaigne permet à chacun de ses personnages de s’incarner tant l’auteur nous donne à voir les émotions et les passions qui les animent, la peur et le désespoir qui les rongent alors que la folie semble peu à peu s’emparer d’eux…Chacun des protagonistes de ce drame semble avoir été travaillé avec un soin méticuleux, de leurs aspirations à leurs caractères, sans oublier leurs apparences, leurs gestuelles ou leurs expressions. Parmi la formidable galerie de personnages qui peuplent ce récit, certains occupent les devant de la scène. Tel le rustre Ariaen Jacobsz, le charismatique mais inquiétant Jeronimus Cornelisz ou Hayes, qui semble être le seul qui semble conserver une part d’humanité au cœur des ténèbres… Sans oublier la belle et résignée Lucretia Jansdochter qui va être bien malmenée durant cette traversée, après n'avoir pas été épargné par la vie…. Bien malgré elle, elle allait se retrouver au cœur même de l’action et glisser peu à peu vers l’abîme… L'apothicaire du Diable amorce un fascinant et glaçant diptyque d’aventure maritime qui prend place alors que la VOC, toute puissante Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, régnait en maître sur toutes les mers du globe, préfiguratrice du capitalisme qui allait s’imposer dans les siècles à venir… Inspiré de faits réels, l’histoire est celle du premier et dernier voyage du Batavia, rebaptisé ici Jakarta, à bord duquel le Capitaine était loin d’être le seul maître à bord après Dieu, puisque l’autorité résidait dans les mains du puissant subrécargue du Jakarta, qui avait droit de vie et de mort sur les passagers embarquant à bord… Mais la haine farouche que se voue les deux hommes sera l’occasion pour un être cruel de mettre le feu aux poudres… L’atmosphère poisseuse et oppressante qui règne à bord du navire est formidablement bien retranscrite par l’impressionnant Thimothée Montaigne, dessinateur au sommet de son art dont le somptueux travail sert remarquablement bien le scénario d’un Xavier Dorison très inspiré… - L'heure n'est pas à vos enfantillages, Pelsaert. Notre compagnie vient de subir un affront... une mutinerie Le Meeuwtjr a été pris, ses officiers massacrés et le navire remis à la Rochelle aux français !
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