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Journal inquiet d'Istanbul #1
Journal inquiet d'Istanbul



Fiche descriptive

Chronique Sociale

Journal inquiet d'Istanbul

Tome 1

Ersin Karabulut

Ersin Karabulut

Ersin Karabulut

Dargaud

19 Août 2022


23€

9782205085761

Chronique
Journal inquiet d'Istanbul #1
Chroniques d’Istamboul

L'histoire vraie d'Ersin Karabulut, célèbre artiste de bande dessinée turc ; son parcours des banlieues déshéritées d'Istanbul aux sommets de l'édition et de la presse satirique ; comment il vécut, parfois en première ligne, les bouleversements et l'agitation politique de son pays, une Turquie transitant lentement d'une démocratie à un régime autoritaire.

En même temps qu'il raconte son parcours d'artiste et de citoyen lambda, Ersin Karabulut dresse le portrait d'un pays tiraillé par des antagonismes politiques et sociétaux profonds, dont l'histoire récente est faite de coup d'états, d'espoir, de désillusion et de drames.
un excellent album!


Chroniques d’Istamboul
Journal inquiet d'Istanbul, planche du tome 1 © Dargaud / KarabulutLe titre de l’album contraste avec les personnages caricaturaux figurant sur sa couverture qui contraste avec l’aspect réaliste des décors. Cet étrange décalage se retrouvera dans les planches, alors que s’y mêleront personnages aux traits cartoonesques et d’autres plus sérieux et réalistes, comme s’ils étaient vu à hauteur d’enfant, avec un regard naïf et émerveillé… La lecture des planches s’avère pour le moins fluides et, oscillant entre humour et gravité, la tonalité très particulière qui se dégage de cette autobiographique graphique rend la lecture immersive et entraînante…

Dessinateur de presse, Ersin Karabulut nous livre un pan de son histoire et de cette enfance où il a longtemps mis en veilleuse son rêve de devenir dessinateur. A travers son enfance et son adolescence faites de rires et de drames, il nous brosse un portrait saisissant de la Turquie d’Erdogan. Révélé en France par ses Contes ordinaires d'une société résignées, l’auteur fait montre d’un humour gentiment féroce grâce auquel il pointe les dérives d’une société turque conservatrice et religieuse qui n’a de cesse que de réduire les libertés et de museler la liberté d’expression. Ce gamin s’avère d’emblée particulièrement attachant dans sa façon de vouloir faire plaisir à ses parents en entamant des études d’ingénieur tout en sentant confusément au fond de lui que son truc, c’est le dessin. Sa rencontre avec ses « maîtres » et l’émerveillement qui est sien d’entrer dans les bureaux où s’élaborent ce magazine qu’il aime tant est retranscrite avec humour et finesse, de même que sa relation avec le premier numéro qui publiera pour la première fois l’une de ses œuvres ou les retours de ses premiers fans qui le mettent sur un petit nuage… Journal inquiet d'Istanbul, planche du tome 1 © Dargaud / KarabulutIl ne comprend pas tout de suite les risques qu’il prend ou qu’il fait prendre à ses proches en s’amusant à croquer avec humour la société turque… et les remarques de son père n’y feront rien. Au fil du temps, il va devenir un auteur engagé, malgré les risques encourus et les procès qui vont suivre.

un dessin expressif au service d’un scénario lucide, drôle t édifiant
Très expressif, le dessin d’Ersin Karabulut est indéniablement l’une des grandes forces de l’album. Alors que ses décors réalistes immergent avec force le lecteur dans l’Istambul de son enfance, le trait semi-réaliste, voire franchement caricatural avec lequel l’artiste dessine ses personnages lui permet d’accentuer leurs émotions et de les rendre limpides pour le lecteur. L’inquiétude du père entendant son fils lui hurler qu’il a acheté les bières demandées alors que la religion et ses interdits s’insinuent peu à peu dans le quotidien, la joie ahurie du gamin qu’il fut lorsque son premier dessin est publié, ses premiers émois amoureux, l’extrémisme qui gangrène peu à peu la société turque et qui s’immisce jusque dans la sphère privée, ses premiers émois amoureux, jusqu’à sa lâcheté, parfois… L’atmosphère de la Turquie de l’époque est ainsi formidablement bien retranscrite, avec ce glissement progressif vers une forme de dictature que l’on connaît aujourd’hui. Journal inquiet d'Istanbul, planche du tome 1 © Dargaud / KarabulutEt il y a le rapport savoureux qu’il entretien avec les héros des BD de son enfance qui interviennent à certains moments clefs de sa vie, comme cette séquence où, pour préserver ses proches, il songe à raccrocher ses crayons… Le découpage s’avère bougrement efficace et l’ensemble déborde d’une énergie revigorante…

L’auteur porte sur l’enfant et l’ado qu’il fut un regard tout à la fois lucide et amusé et son personnage, dessinateur en germe, s’avère très attachant, par sa naïveté confondante et son désir de se conformer à l’image qu’aimerait voir ses parents… Mais si cet avatar de papier de Ersin Karabulut s’avère tendrement touchant, les autres personnages de l’album s’avèrent eux aussi joliment écrits, à commencer par ce père protecteur et inquiet de la voie qu’a choisi son fils et qui tente de le raisonner pour qu’il ne s’attire pas les foudres d’un gouvernement de plus en plus autoritaire. Les extrémistes sont inquiétants à souhait et font planer une lourde menace sur le quotidien de l’auteur, changeant par petites touches des gens de plus en plus proche de lui, tels ses voisins jusqu’alors ouverts et sympathiques qui semble se refermer en appliquant à la lettre les exigences et les préceptes de la religion. Avec cette galerie de personnage foisonnante, l’auteur parvient à esquisser un tableau saisissant de la société turque vue à hauteur d’homme en devenir.

Journal inquiet d'Istanbul, planche du tome 1 © Dargaud / KarabulutJournal Inquiet d’Istambul nous raconte le quotidien d’un gamin se rêvant dessinateur dans une Turquie en pleine mutation…

A travers son histoire, c’est un pan de celle de la Turquie que nous livre Ersin Karabulut, d’abord vue à hauteur d’enfant, puis à hauteur de l’adulte qu’il devient… Cet album est ainsi un témoignage poignant d’une société qui glisse peu à peu vers l’autoritarisme théocratique… Oscillant entre réalisme et carricature, le dessin de l’auteur turc s’avère tout juste parfait pour nous donner à voir Istamboul avec des yeux d’enfant, à la fois émerveillés par tout ce qui lui arrive et inquiet de voir la ville qu’il a connu se transformer au fil des élections, alors que la religion s’immiscé peu à peu jusqu’à la sphère privée.

Tout à la fois drôle et édifiant, ce premier tome s’avère captivant et montre, une fois de plus, que la bande-dessinée s’avère être un formidable média pour raconter le monde tel qu’il est…


- T’as jamais eu envie d’aller en taule quelque fois ? T’imagines ? Blanchi, nourri ! Si j’étais en taule, je pourrais écrire toute la journée, créer des centaines de livres.
- Hein, quoi ? La taule ? T’est dingue ? Dieu nous en préserve !
dialogue entre Ersin Karabulut et Berat

Le Korrigan




Inspiration jeux de rôle

Cette fiche n' est référencée comme inspi pour aucun jeux de rôle.