Fiche descriptive Histoire Visages - Ceux que nous sommes Tome 4 Nathalie Ponsard-Gutknecht, Miceal Beausang-O'Griafa Aurélien Morinière Aurélien Morinière Glénat 24X32 24 janvier 2024 15€50
9782344032909 Chroniques Derrière les signes ennemis Ce qui nous lieLa pratique andromaque Les contrastes d’une époqueVers la fontaine ardente Fragments d’identitésSoleil, cou coupé L’utopie européenne |
Berlin décembre 1943. Tandis que Sheila est seule en mission, Georg reçoit une lettre de Liselotte Ruf, cette mère qu’il n’a pas connue et qu’il a si longtemps haï, pensant qu’elle l’avait abandonné alors qu’elle ignorait tout de son existence… Paris, juillet 1944. Louis Kerbraz apprend de son ami Karl-Heinz que, sur demande du Docteur Mühle, Liselotte s’apprête à être transférée de Dachau au camp de Mauthausen où sont envoyé les opposants au régime nazi. Dachau 1943. Détenue, Liselotte est porté par la seule idée de savoir que ce fils qu’elle croyait mort-né est bel et bien vivant. Elle tente comme elle peut d’apaiser les maux de ses codétenues… Dans quelques mois, elle sera transférée à Mauthausen… Suivant un plan élaboré par Karl-Heinz, Louis retrouve Georg pour faire route vers l’Autriche et tenter de sortir Liselotte du camp… sur les ruines de l’ancien monde naîtra le rêve d’un monde nouveau Avec ce quatrième tome, Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O'Griafa referme leur tétralogie qui nous raconte la vie d’une Liselotte Ruf, photographe allemande, et de Louis Kerbraz, artiste breton, qui se sont rencontré et aimé pendant la Grande Guerre et allait se perdre de vue, Louis ignorant que de leurs amours interdites allait naître un fils, Liselotte ignorant que ce fils avait survécu… Georg, l’enfant de la honte, a grandi sans être aimé dans un orphelinat et a développé une haine de ses parents dont ils pensait qu’il l’avaient abandonné à sa naissance… Mais la réalité est souvent plus complexe qu’on ne le pense et cette étrange famille née dans la boue des tranchées allait se retrouver durant la seconde guerre mondiale… Un quatrième personnage va venir s’inviter dans la danse : Sheila, fille d’un révolutionnaire irlandais venu s’engager comme sniper dans l’armée allemande pour combattre ses ennemis britanniques qui font tant souffrir son peuple. Dans le tumulte des combats, elle croisera Georg et tombera amoureuse… A l’instar de Liselotte et Louis, quelle chance aurait-il eu de se rencontrer et de s’aimer si cette guerre n’avait pas eu lieu ?A travers eux, les scénaristes s’interrogent sur ce qui constitue notre identité. Né allemande, Lise-lotte aurait pu embrasser les thèses du parti nazi. Elle en fut une opposante farouche. L’idéal d’indépendance de Sheila ne l’ont pas empêché de servir un régime inique et abject auquel elle n’adhère pas. S’il avait été aimé et choyé par ses parents, le destin de Georg aurait sans doute été tout autre… Les auteurs mettent aussi en lumière l’histoire des alsaciens, peu connue des « français de l’intérieur » bien que des œuvres l’ont abordé sans fards, telles que Malgré-nous de Thierry Gloris et Marie Terray, Le voyage de Marcel Grob de Philippe Collin et Sébastien Goethals, une famille en guerre de Stéphane Piatzszek et Espé ou, plus récemment, le somptueux et saisis-sant Lierre et l’Araignée de Grégoire Carlé… Plus que tout autre, peut-être, l’identité alsa-cienne est chose complexe et tortueuse, comme en témoigne ces monuments aux morts où « à nos morts » remplace le traditionnel « mort pour la France », car sur ces blocs de grès ou de granit figurent les noms d’hommes qui ont combattu pour l’un et l’autre camp, parfois sous la contrainte… Comme Liselotte, Louis, Georg et Sheila, nous sommes tous le produit de la grande et de la petite histoire. Combien de couple se sont vu détruits par la guerre et combien en sont né, ne serait-ce que grâce aux déplacements de population ? Si après 14-18 les enfants de France et d’Allemagne ont été élevé dans la haine et le ressenti, annonçant la guerre à venir, une fois que le fracas des armes s’est tu, ce sont ces mêmes allemands et français qui, ensemble, ont décidé de construire ce rêve européen… une Europe certes imparfaite dont on a sans doute négligé la composante sociale, mais une Europe porteuse d’espoir qui a aidé à maintenir la paix, malgré les trois guerres qui l’ont successivement déchirée… Pour combien de temps ? La guerre gagne les frontières de l’Europe, le nationalisme monte dans de nombreux pays où l’on accable les étrangers de tous les maux… De quoi seront faits nos lendemains ? Tel un ouroboros qui se mord la queue, la fin de l’album montre que tout peut recommencer si on n’y prend pas garde et qu’être éduqué dans la haine de l’autre n’apporte que des larmes et du sang… Il appartient à chacun d’apporter sa petite pierre et de choisir qui il veut être, en dépit de son enfance et du pays dans lequel il est né, de combattre ses propres préjugés, de se confronter aux différences, de défendre des valeurs auxquelles il croit, de ne pas se laisser emporter par le vent de l’histoire mais de tenter de l’infléchir, à sa petite échelle… Le trait sensible et les couleurs délicates d’Aurélien Morinière se marient joliment avec ce récit qui nous raconte l’Histoire à travers le destin fracassé d’une poignée d’homme et de femmes. L’artiste met en relief l’humanité de chacun des personnages en nous donnant à ressentir les émotions qui les traversent tandis que son formidable travail de documentation lui permet d’immerger avec force le lecteur dans cette époque troublée, de l’enfer de Dachau ou de Mauthausen à l’Irlande déchirée par la guerre, du bombardement de Dresde de sinistre mémoire à la France d’après-guerre et la vie qui reprend ses droits… Nous sommes nés d’un père et d’une mère qui chacun ont apporté leur patrimoine génétique. Nous sommes le fruit d’une éducation laxiste ou rigoriste. Nous sommes le produit de notre époque, de notre milieu, de notre société… Les rencontres et les fréquentations nous ont influencé, de même que le contexte historique dans lequel nous sommes venus au monde mais aussi de celui qui nous a précédé… Mais qui sommes-nous au fond, qu’est-ce qui constitue notre singularité ? Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O'Griafa tentent de nous questionner à travers l’histoire d’une poignée d’hommes et de femmes qui ont traversé les conflits qui ont déchiré l’Europe, de la Grande Guerre à la seconde guerre mondiale en passant par la guerre d’Irlande… Autant de conflit qui ont vu naître et disparaître des familles, telle celle de Louis Kerbraz et de Liselotte Ruf qui se sont rencontrés durant la guerre des tranchées et vont se retrouver dans une Europe en ruine où allait naître l’utopie européenne… Superbement mis en image par les pinceaux sensibles et délicats d’Aurélien Morinière, Visages - Ceux que nous sommes est une saga familiale qui nous pousse à nous interroger sur ce qui constitue notre identité… Une interrogation salutaire alors que le nationalisme monte dans l’Europe et le monde, esquissant les contours d’un futur qui pourrait être bien sombre si on n’y prend pas garde… - Je lis ce qui se passe en France. Osé, le discours de Schuman…
|
||||