     Depuis des années, les gambiens vivent de la pêche et Bakary est pêcheur, comme son père et le père de celui-ci avant lui… Mais depuis que Golden Lead, usine chinoise de fabrication de farine de poisson, s’est installée sur la plage de Gunjur, le poisson se raréfie, tant à cause de la pêche intensive que de la pollution…
Son fils, Ismaila suit quant à lui de brillantes études… Mais lorsque son père disparait en mer après avoir dû se défaire de son précieux filet pour échapper à un chalutier, il doit se résoudre à trouver du travail pour soutenir sa mère, d’autant que l’asthme d’Hadjia, sa petite sœur, s’aggrave avec la pollution et que son oncle souhaite prendre Myriam, sa mère comme troisième épouse.
Adama, fervente militante, va éveiller la conscience écologique du jeune homme qui va, tout comme son père avant lui, prendre conscience du désastre qui s’annonce…
 Sensible et délicate, l’écriture de Laurent Galendon nous livre encore un récit bouleversant de justesse et d’humanité.
Si cette nouvelle histoire de Laurent Galendon parle de pollution, de réfugiés et de prise de conscience écologique, sujets tristement d’actualité mais relégués en arrière-plan par les guerres qui pullulent à la surface du globe, il parle aussi et surtout de notre belle mais fragile humanité… Dans cette Gambie moderne où les traditions et les métiers ancestraux s’effacent peu à peu devant le capitalisme exacerbé qui sacrifie tout sur l’autel du profit, il va suivre une famille meurtrie dont en sent, bien qu’elle s’avère fictionnelle, qu’elle s’inspire de situation bien réelles… Le scénariste porte sur chaque personnage, qu’il soit moteur de l’action ou simple figurant, un regard plein de tendresse, si on omet cet oncle bien trop prévenant pour être honnête et qui a choisi depuis longtemps son camp, au détriment des siens.
 A travers l’histoire de chacun d’eux, Laurent Galendon nous esquisse un portrait réaliste le quotidien des gambiens qui ressemble à celui des habitants de à tant de pays dont les puissances occidentales ou asiatiques pillent les ressources sans vergogne, faisant mourir les populations à petit feu pour engranger toujours plus de profit… Comment dès lors refuser d’accueillir chez nous un réfugié contraint de fuir fuyant un pays que nous avons contribué à ravager ? Ismaila, Bakary, Adama, Maryam, Hadjia ou Biram sont autant de personnages poignants qui nous accompagneront longtemps après avoir refermé l’album…
Mais si le scénario de Laurent Galendon est d’une si redoutable efficacité, les somptueux dessins de Jean-Denis Pendanx n’y sont bien sûr pas étrangers. Ses paysages sont aussi somptueux que ses personnages s’avèrent bouleversant de justesse et d’humanité. On vibre avec eux, on s’émeut des sentiments naissants d’Ismaila pour Adama, on souffre avec Bakary qui se sent piégé comme un poisson pris dans un filet, on angoisse devant les choix douloureux que s’apprête à faire Maryam et on pleure sur la maladie d’Hadjia, jeune fille pleine de vie qui a des histoires plein la tête… Le découpage précis nous offre de saisissants visuels tout en faisant la part belle aux émotions et nous propose une narration fluide et entraînante…
 Un peu plus de quatre ans après le passionnant A fake story, Laurent Galendon retrouve Jean-Denis Pendanx pour signer un album aussi somptueux que bouleversant qui nous donne à contempler la fragile beauté du monde et la folie des hommes.
Cela fait des générations, la famille de Ismaila vit de la pêche. Mais, depuis l’implantation d’une polluante usine de farine de poisson, il faut aller toujours plus loin pour attraper des poissons et les sorties en mer sont aussi dangereuses qu’hasardeuse. Amoureux d’Adama, le jeune homme va se faire sien ses combats écologiques mais va devoir faire face à la tragique disparition de son père et abandonner ses chères études pour aider sa mère à subvenir aux besoins de leur famille… Quel avenir ce pays exsangue peut-il offrir à sa jeunesse ?
Le somptueux travail du dessinateur nous donne à voir la beauté de la Gambie tout en retranscrivant avec justesse et sensibilité les émotions des personnages auquel la plume délicate de Laurent Galendon prête vie. Entre révolte et contemplation, le lecteur découvre la face sombre du capitalisme, racontée à hauteur d’hommes et de femmes, annonciatrice du désastre à venir : pollution, destruction des écosystème, extinction des espèces, migration massive pour fuir des pays ravagés par la guerre ou l’épuisement des ressources naturelles et vivrières… Espérons que les citoyens que nous sommes prennent enfin conscience de ce qui se joue, alors que nos dirigeants ne semblent aucunement décidés prendre ce problème à bras le corps… Les Poissons, eux, ne pleurent pas est un album salutaire et somptueux dont les personnages accompagneront durablement le lecteur bien après l’avoir refermé... Gageons que la jeunesse d’aujourd’hui sera engager les luttes que nous n’avons pas su mener…
- Un sursaut de conscience écologique ?
- Je passais par là… Je me suis dit que je pouvais venir participer vite fait…dialogue entre Adama et Ismaila
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