Trombstone, mercredi 26 octobre 1881… Wyatt Earp, Morgan Earp, Virgil Earp et Doc Holliday vont affronter Frank McLaury, Tom McLaury, Billy Claiborne, Ike Clanton et Billy Clanton dans l'enclos Old Kindersley, l’aboutissement d’un conflit larvé opposant les frères Earp au clan des Clanton…

Plusieurs années après, en 1926, Wyatt Earp tente sans succès de vendre son histoire à John Ford… Deux années plus tard, alors qu’il officiait comme conseiller technique sur les tournages, il va raconter son histoire à un certain Marion Robert Morrison qui travaillait sur le plateau en tant qu’accessoiriste et qui avait assisté à la conversation entre John Ford et Wyatt Earp qui lui fit forte impression…

Jean-David Morvan nous replonge avec le talent qui est le sien dans les coulisses de la plus célèbre fusillade de la conquête de l’ouest… Et le prolifique scénariste y fait montre de ses talents de conteurs en jouant avec art avec la temporalité pour signer un récit passionnant construit autour d’un récit connu de tous les amateurs de western…

Car qu’il est une scène de l’histoire de l’ouest qui a été filmé, scénarisée, évoquée, c’est bien celle-ci… Mais loin de se cantonner à nous narrer cette fusillade avec une tension allant crescendo jusqu’à ce que commence le crépitement des flingues pour le climax de l’album, le scénariste se débarrasse avec malice de ce passage obligé dès les premières pages, néanmoins impressionnantes et percutantes… La fusillade elle-même s’avère en fait raconté par l’un des protagonistes à un certain John Ford au milieu des années 20 sous l’oreille attentive d’un jeune accessoiriste… Cette mise en abîme s’avère délicieuse car Wyatt Earp n’était pas encore la légende qu’il allait devenir, notamment grâce à Hollywood qui allait forger le mythe de la conquête de l’Ouest…

C’est donc le portrait d’un Wyatt Earp vieillissant qui nous est esquissé ici avec talent. Jean-David Morvan écorne quelque peu l’image d’Epinal de l’homme qui défendit le droit, les armes à la main, à O.K. Corral… S’il portait l’insigne, c’était avant tout pour servir ses propres intérêts et ceux de sa famille qu’il défendait, comme le montre l’odyssée vengeresse qui suivit l’agression de Virgil et Morgan Earp quelques mois après la fusillade… Solidement charpenté, cet O.K. Corral éclaire les zones d’ombre de cette fusillade mythique, la replaçant dans sa véracité historique et précisant le portrait en clair-obscur d’un homme qui a tour à tour incarné et violé la loi…

S’appuyant sur un storyboard de Rey Macutay, co-dessinateur de l’excellent J’irais cracher sur vos tombes (adapté par un certain Jean-David Morvan !), le trait épuré de l’album, signé par Thomas Tcherkézian et Scietronc, sert joliment le propos qui nous raconte la vie de cet homme qui n’a pas hésité à travestir quelque peu la réalité pour devenir une légende…

Jean-David Morvan s’empare d’une des fusillades les plus connues de la conquête de l’Ouest pour tisser un récit passionnant qui écorne quelque peu l’image d’homme de loi de Wyatt Earp en replaçant cet épisode dans son contexte historique…

Trombstone, 26 octobre 1881, O.K. Corral… Assistés de Doc Holliday, les frères Earp entendent faire respecter la loi en demandant à une poignée de cowboys de leur remettre leurs armes… La fusillade éclate, trois hommes restent sur le carreau, trois autres sont blessés et d’autres ont préféré prendre la fuite… Telle est l’histoire que Wyatt Earp raconté à John Ford plus de quarante ans après les faits sur un plateau de tournage où il officiait comme conseiller alors qu’il n’était pas encore la légende que l’on connaît…

Tout amateur de western connait cette fameuse fusillade immortalisée sur le grand écran par tant de grands réalisateurs et réinterprétées en bande-dessinée dans des séries incontournables, de Lucky Luke à Blueberry… Mais, maîtrisant parfaitement son sujet et faisant montre de ses talents de conteur, Jean-David Morvan signe un saisissant tableau de cet ouest sauvage où la frontière entre homme de loi et outlaws était parfois plus mince qu’une feuille de papier à cigarette… Wyatt Earp était de cette trempe-là, ne servant la loi que si elle pouvait servir ses propres intérêts ou ceux de sa famille… Porté par le dessin épuré mais bougrement efficace de Thomas Tcherkézian et Scietronc, le scénario s’avère tout juste brillant grâce à une structure narrative fascinante, avec au cœur l’entretien entre un Wyatt Earp vieillissant et un jeune accessoiriste appelé à contribuer à forger la légende de l’ouest sur grand écran…

- Ça c’est passé où et quand vous m’avez dit ?
- O.K. Corral. Trombstone. Arizona.
- Je ne connais pas... Mais l’histoire est intéressante monsieur Earp. Elle s’est déroulée en quelle année ?
- le 26 octobre 1881 pour être plus précis que votre question.
- Et, si je puis m permettre, est-elle… hum… véridique ?
- Vous ne trouverez plus de témoin direct aussi impliqué que moi monsieur Ford.
- Je ne remets pas ceci en cause. Je me dis juste qu chacun possède sa propre vérité. dialogue entre Wyatt Earp et John Ford