
Gladiator s’inspire très librement de l’histoire de Spartacus le gladiateur, qui parvînt à fédérer autour de lui et avec l’aide du gaulois Crixus des milliers d’esclaves romains.
La menace qu’il fît peser sur Rome resta dans les annales de l’histoire antique, car il fût tout près de renverser cette puissance esclavagiste et trop sûre de sa force…
Ridley Scott, ici, prend les choses par l’autre bout, histoire que les esclaves restent tout de même esclaves… Nous avons donc affaire à un général fort célébré dans ses rangs, Maximus, mais qui n’aspire qu’à une chose : rejoindre sa femme, son gamin, et jouer au petit paysan quelque part en Andalousie romaine…
Bon, disons le tout de suite : un tel personnage n’est pas crédible. Vous imaginez, vous, un type qui massacre par milliers les ennemis d’une puissance qui a déjà prouvé son despotisme maintes et maintes fois et qui, une fois la bataille finie, voudrait juste prendre sa retraite et aller à Eurodisney avec ses gosses ?...Lisez quelques biographies, et vous verrez qu’il n’y pas beaucoup de place pour la famille et les bons sentiments dans la vie des hommes qui s’élèvent à de telles sphères du pouvoir à cette époque (et pas seulement…).
Russel Crowe, bon comédien au demeurant, dégouline ici de bons sentiments. Patriote, bon père de famille, vengeur masqué,… Bref, avec un bonhomme comme ça, on fait le plein de clichés. Les autres personnages ne sont pas forcément plus intéressants, à l’exception peut-être de Connie Nielsen en femme fatale romaine archétypale, mais mère avant tout.
Bien sûr, Joaquin Phoenix est brillant en empereur dérangé, Oliver Reed (hommages…) majestueux en propriétaire d’écurie bourru mais noble, Derek Jacobi excellent en sénateur homosexuel populiste mais pas populaire, Richard Harris (hommages bis…) impérial en empereur paternaliste sur le déclin...
Y’a le black du quota, la brute allemande, le gladiateur célèbre gaulois, bref, on oublie personne, et surtout pas les susceptibilités de chacun des publics. C’est ça, la mondialisation.
Mais le problème n’est pas là, dans ce casting de rêve qui sait tenir son rang.
Permettez moi d’installer une tribune et de pousser une petite gueulante…
Non, ce qui me dérange, c’est la simplicité de l’intrigue, tout juste prétexte à nous montrer des combats sanglants (fort bien filmés, il faut l’avouer), en ressassant tout un tas de clichés éculés et en écorchant (pardon, en labourant) au passage tout un pan de l’histoire antique.
Bien sûr, Maximus n’a jamais existé. Qui plus est, Marc-Aurèle prépara très correctement la succession de son fils. Certes, à l’intellectuel succéda la brute, mais il mourut empoisonné, et non dans l’arène. Ce ne serait pas grave, si tant de gens ne prenait pas tout ce qui est estampillé « vu au cinéma » comme des vérités historiques…Parfois, je me dis qu’il serait de bon ton qu’un simple replacement dans le contexte réel soit inclus en quelques lignes au générique, histoire que tout le monde ressorte plus cultivé en même temps que moins lourd de quelques deniers.
Je ne veux pas paraître rigide, mais je crois que j’aurais préféré voir une nouvelle adaptation de Spartacus, depuis ses combats d’arène jusqu’à sa conduite d’armées de dizaines de milliers d’esclaves rebelles contre Rome. Une véritable histoire, et une bien plus incroyable épopée.
Reste que Gladiator est impressionnant d’un point de vue de la réalisation et du réalisme. La scène d’ouverture -la bataille contre les tribus germaines- est splendide. Nerveuse et sanglante, tout en restant en partie contemplative, elle est un modèle du genre, même si la confusion facilite le travail des acteurs.
Les combats d’arène sont aussi meurtriers qu’ils devaient l’être, bien que les costumes soient un peu « too much » (le gladiateur avec les cheveux hérissés…Il la tient d’où sa laque ?).
La musique d’Hans Zimmer, accompagnée par la voix de Lisa Gerrard, est sans nul doute la plus grande réussite du film. Monumentale et guerrière, elle est susceptible de vous emporter à elle seule dans ce monde d’antan splendide, civilisé et barbare…
Gladiator est donc un divertissement -excellent- critiquable sur bien des aspects, mais qui a le mérite de savoir étancher votre soif de virilité avec panache, sans pour autant oublier de creuser comme il peut la psychologie de ses personnages.
Surtout, il renvoie directement à une réflexion sur l’arène…pardon, le cinéma, dont les acteurs seraient les gladiateurs (gloire ou disparition), les spectateurs des consommateurs et l’empereur/pouvoir, les bénéficiaires…Choisissez votre siège.